Geert Rohuud ? On l’entend rarement. Et c’est le vieux Raimund autrefois connu sous le sobriquet de "P'taine Ray" qui en causait le mieux, comme en ce jour du 7 février de 1714, dans une taverne de Bonaire :
« Geert ?..pas plus mon cousin qu’mon mioche !... ni plus d’hollande que d’qué’qu’trou de Flandres. C’te juste que sa mère l’officiait dans l’bas fond d’un bas port de pêche-misère! Si bien qu’le baigneur qu’elle a porté dans son ventre, l’était trop lourd de peine pour l’porter dans ses bras, et qu’ l’a laissé bien bas dans un panier de moule du vieux Rohuud. Sauf qu’à dire que l’bon dieu y fait remonter les mioches de la basse marée, pour sûr l’a rien d’divin le Geert!
M’enfin toujours qu’à trois pommes de haut, l’grand Geert avait plus ed’toile dans les mains et d’filet sous les pieds que d’instruction des manières. Pis le vieux Rohuud a crevé un jour de pas d’veine avec pour seule toile à bon vent pour Geert, qu’une bouille de mousse et l’avarice du destin. L’a traîné d’puis de barcasse en barcasse virant du ramasse-poiscaille au trafique-petit jusqu’à une mauvaise houle de gabelous qui l’aura déposé dans ma geôle… »
Là les histoires du vieux Raimund ont du faire leur chemin. Dans l’obscurité de la pénitence ses yeux d’brume brillaient presque quand j’lui causais des boucans à l’île de la Vache, des sorties enflammées de la Flabante courant sus à l’espingouin, du Fumant voguant sous cuir, de Kuta mon frère indigène, des prouesses du fusil de quatre pied de canons…et de tout ce qui faisait le nouveau monde pour un boucanier fameux de l’ancien siècle. Faut dire qu’ma vie d’homme j’l’avais eu grandement dans la caraïbe, et qu’la sienne ici, l’avais pas vu commencer…
Mais d’la geôle Geert en fut sorti par quelqu’tour de malesprit de contrebande, et j’aurais pas misé ce qui restait du cuir de mon dernier cul de chapeau que je reverrais sa bobine enjoyée venir me tirer de la fosse à conchier les puissants, et encore moins que rien que la moitié d’un œuf de hareng que c’était avec les alizés pour revoir les rives qui m’ont grandi! …m’enfin depuis c’temps là, la caraïbe a bien changé… »
A son arrivée dans les caraïbes, accompagné d’une poignée de Marins d’Ostende, Geert Rohuud s’en remettait au vieux Raimund pour l’accoutumance à la Caraïbe, et à Corneliusz Tromp pour ce qui touche à la lettre et aux chiffres, soit de près ou de loin à ce qu’on entend des rudiments de l’instruction. Voici donc l’histoire de Geert Rohuud aux caraïbes, le plus mécréant des capitaines de son temps, et de ses quatre vies en eaux troubles…*** MARCHAND AU PETIT ET AU GRAND COMMERCE De Février 1714 à mars 1716
13357 tonneaux vendus, 1 942 224 piastres de bénéfices, 22 ports fréquentés Fort d’une patente batave, Geert fut surtout actif au Vénézuéla et aux Guyanes, avant d’être condamné à faire grande pénitence le contraignant à entreprendre un grand voyage qui le vit faire escale en chacune des 22 paroisses angloises et bataves de la Caraïbe; épisode qui fit naître la Compagnie de St. Martin des Pénitents, puis celle de St. Martin des Gueux…
… mais mena le « Boeteling » à sa perte dans une crique des Lucayes, et le vieux Raimund à la sienne dans une geôle de Paramaribo. Laquelle tête du vieux Raimund, non sans avoir été habilement réduite, pend désormais au cou de Boudewijn Hertongenbosch, ex-sacristain de St. Eustache, désormais cul-de-jatte, ayant remplacé Corneliusz Tromp dans sa charge de cambusier et d’écrivain de bord.
Dont les 400 tonneaux de la frégate de douze Typhon du capitaine corsaire
Zeddicus capturée au large de San Tomas le 10 juillet de 1716…
Et les 260 tonneaux du grand chébec Principe de Granada du capitaine corsaire
Antonio Alcantara capturé au large de Paramaribo le 25 août de 1716.
A la fin de mars de 1716, la Compagnie de Saint Marin des Gueux avait suffisamment porté haut le pavillon batave au point que plusieurs de ses capitaines furent officiellement commissionnés par l'amirauté pour armer à ses frais deux vaisseaux de guerre, parmi lesquelles Geert Rohuud qui reçut le commandement du « Raimund Trots », vaisseaux de 74 canons:
Le Raimund trots fut pris aux Lucayes le 17 janvier 1717, aux côté du Vurige Metgezel, de l'Aliseo et du Grolch, tous navires de la Compagnie, lors de l'embuscade de Petite Abaco tendue par 12 navires pirates. Mais ce, non sans avoir tenu plus de 50 heures d'un siège sans merci, avoir encaissé 112 bordées de petits calibre et, après avoir jeté ses canons à la mer, repoussé deux abordages à moins de 1 contre 2 avec ses 105 derniers hommes valides, tuant 57 hommes de l'équipage de Bertrick, lequel arma un temps le vaisseau sous le nom de Red Devil.
A compter du 22 janvier de 1717, Geert Rohuud se fit connaître sous le sobriquet de Geert le Rude (ce qui reste à démontrer) lorsqu'il hissa ce pavillon au grand mât du Negenstaart Corvette de Six armée à Nassau.
Le passage Geert à la piraterie pendant près d'une année fut des moins fameux qu'il soit, bien que pour moitié passé à l'ouest des caraïbes en coopération avec son camarade d'infortune Jean Bouin au sein de B&R Associates, à tremper son cul dans quelques affaires aussi pitoyables que croquignolettes.
A la mi novembre, après avoir étanché sa soif et fait valoir sa virilité dans les établissements de Mona plus de trois mois durant,Geert, tant épuisé qu'encombré par un foi bon à remplir trois tonnelets de perroquets frits, reprend la mer pour jeter le Negenstaart Twee sur un groupe de cinq chébecs plus où moins grands des mignons du roy Louis.
Encore tout chancelant et toujours point dégrisé, Geert arma un nouveau navire qu'il peupla à la hâte d'ivrognes raclés dans les bas-fonds..
A la mi décembre de 1717, ayant vidé bourse et bourses dans les bordels d'Eleuthera jusqu'à Nassau, Geert se délesta de ses dernières piastres pour acquérir une coque de noix et repasser sous pavillon batave. Aussi arma-t-il une barque longue qui, l'espérait-il, allait pouvoir le ramener vers le vieux monde,...chose bien improbable en soi, en cette saison sur un si frêle esquif...
Lors de ce passage parmi les gens de fortune, le maître d’équipage Daam Maes, dernier des hommes venus d’Ostende avec Rohuud, et ayant survécu à la prise du Boetling et à Celle du Raimund Trots périt sous une volée la mitraille reçue en ce 7 juin de 1717, au dernier jour du 40ème mois de service sous les ordres du capitaine Geert.
*** ERRANCE EN HAUTE MER De décembre 1717 à juillet 1718
Après six mois d'errance sans trouver la rive orientale de la mer Océane le Terugkeer est de retour aux Caraïbes, signant par la prise les 17 et 22 juin de 1718 de deux brigantins espagnols, le retour de Geert aux affaire caribéennes.
Le 6 de juillet de 1718, sur la requête de Boudewijn désireux de donner quelque signe de vie à sa paroisse d'origine, fait escale à Saint Eustache où il arme le Terugkeer Twee, modeste senaut armé en course. Boudewijn ne cacha pas son amusement quand il apprit que son capitaine avait obtenu pour la première fois de sa carrière, une lettre de marque en bonne et due forme!
Le 26 aôut du même mois, le capitaine Geert, quoiqu'étant le plus mécréant des capitaines de son temps, hisse à nouveau le pavillon de la Compagnie de Saint Martin des Gueux dont la charte vient d’être renouvelée par le gouverneur Meyers. Trois expéditions s'ensuivirent avant la fin de l'an de 1718, durant lesquelles le capitaine Geert assuma successivement les mandats de Directeur puis d'Onderdirecteur.
***LES QUATORZE NAVIRES DE GEERT ROHUUD Au 22 juillet de 1719 la Fijne Vixen a totalisé 177 jours de mers
Au sein de 4 des 5 expéditions de la Compagnie de Saint Martin des Gueux
Au cours desquelles elle se rendit maîtresse de 6790 tonneaux de navires ennemis.