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 Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain

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Jeremiah Breeg
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Jeremiah Breeg


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MessageSujet: Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain   Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain Icon_minitimeJeu 5 Juin 2014 - 17:23

Le capitaine Breeg payait fort le prix de ses blasphèmes. Une sorte de terrible malédiction divine semblait s'être abattue sur lui.

Allongé de tout son long sur une table de taverne poisseuse, aux premières lueurs du jour, la main toujours crispée sur une bouteille, il bavait en fixant le sol sous lui, cherchant dans le vague de ses souvenirs comment il avait bien pu en arriver là. Voila pas un mois il était aux commandes d'un superbe chébec, commandant à deux centaines de féroces loups de mer, bien entrainés, fiers marins, assis sur un trésor d'un demi-million de piastres ! Et la veille il rentrait au port de l'Ile-à-Vache dans une chaloupe pleine de trous, à moitié mort, et tant de ses blessures que du tafia qu'il avait bu à même le tonneau pour fêter son troisième naufrage d'affilé. Le ciel était contre lui, à n'en point douter ! A trois reprises, une malédiction divine l'avait figé, lui, ses hommes et son navire, parfaitement immobiles comme des statues sales, tandis qu'inexorablement une flotte ennemie se rapprochait d'eux, ces maudits navires de guerre attirés par son pavillon noir comme la merde attire les mouches. Impuissant il avait regardé ces monstres pilonner son navire aux voiles pendantes pendant deux jours, avant de se faire jeter sans ménagement dans un canot par ces hollandais peu scrupuleux. Sans doute cette malédiction de la paralysie leur brulait-elle les doigts. Plusieurs jours plus tard, Jeremiah et ses quelques rescapés retrouvaient l'usage de leurs membres, une faim terrible au ventre et une soif plus terrible encore. Nous n'avons pas assez fait de sacrifices à Satan pensèrent-ils, la chance va tourner. Fous qu'ils avaient été.

Une semaine plus tard ils étaient à nouveau en mer, un nouvel équipage rassemblé, à la barre d'une belle corvette, ses vingt canons de six livres prêts à en découdre avec le diable. Et à seulement une vingtaine de miles de leur point de départ, la malédiction, encore ! Et voila que les hollandais approchent à nouveau. Maudits mangeurs de harengs crus. Paralysé alors qu'il faisait uriner face au vent ses nouvelles recrues, pour rigoler, Jeremiah Breeg vit ses pauvres bleus se faire hacher en deux le poireau à l'air, deux jours que cela a duré. En définitive, soit par pitié soit par envie d'un beau feu d'artifice, c'est un énorme vaisseau de 64 canons qui a porté le coup de grâce à la corvette d'une sèche volée à couler bas. Peut-être n'avaient-ils pas envie de toucher ces marins maudits par le démon et qui plus est la culotte aux chevilles. Jeremiah commençait à se dire qu'il y avait un petit problème d'ordre spirituel là-dessous.

Et vlan ! Les revoilà dans le potage ! A bord du pauvre lougre qu'il avait armé tant bien que mal, avec son pauvre équipage composé des rares marins qui n'avaient pas fui en entendant son nom (les derniers fidèles lui ayant subtilement signifié qu'il ne pouvait plus compter sur eux, estimant qu'une mort immobile le caleçon baissé n'était pas digne d'eux), Jeremiah était paralysé faisant des gestes obscènes à l'équipage d'un dogre français qu'il ne trouvait pas digne de lui. C'est ainsi que les anglais le trouvèrent. Fourbes et lâches selon leur tradition, ces buveurs d'eau chaude ne se firent pas prier pour aborder sans coup férir le lougre impuissant, après avoir jeté par-dessus bord les pauvres recrues qui n'avaient pas eu le temps d'avoir peur, la paralysie leur ayant au moins épargné de souiller leurs pantalons.


Et c'est ainsi qu'il se trouvait, ce vieux blasphémateur de Jeremiah, de retour de son troisième naufrage maudit, des croutes sous les yeux et aux coins des lèvres, bramant ce qui semblait être d'anciennes prières aztèques pour que le lutin ayant élu domicile sous son crâne cesse de jouer du tambour.


"S'il y avait un concours de la meilleure descente aux enfers, je devrais postuler." marmonna-t-il au-dessus des restes de son maigre repas qui n'avait pas toléré d'être autant dilué. On voyait le fond de son coffre, seule une grosse bourse subsistait de la petite fortune qui faisait jadis sa fierté et sa satisfaction égoïste. Plus de nouvelles de ses camarades, il était le poissard, le maudit. Curieusement ses aventures avaient contribué à faire retourner à l'église un nombre considérable de forbans, ne souhaitant pas vivre le même sort pénible de l'immobilité divine...


"Allez capitaine, faut pas vous laisser abattre."


Cette petite voix venue du lointain était en fait le rugissement tonitruant de son ancien quartier-maitre, qui avait eu la subtilité de sentir le vent tourner. C'était le seul à être venu le voir après son troisième drame, et le seul à ne pas lui réclamer les salaires en retard. Grognant comme un âne blessé, Jeremiah se renfrogna et préféra lui tourner le dos, faisant ainsi une spectaculaire chute du haut de la table. Pourtant le lendemain, il avait retrouvé le courage qui caractérise les ignorants au zèle imbécile. Une gueule de bois terrible sous la tête, il se fit porter par les quatre fidèles qui lui étaient revenus sans doute par pitié, et les pieds trainants au sol tandis que deux gaillards le portaient un par chaque épaule, il se fit asseoir sur une chaise placée sur le comptoir du rade le plus moisi du port, et on lui intima par de vigoureux coups de coude dans les cotes la présentation à l'assemblée d'épaves face à eux du nouveau projet qui se montait. Il était extrêmement simple : partir de rien.


Trois jours plus tard, une mine épouvantable faite de teint grisâtre et de poches bleues sous les yeux, Jeremiah Breeg contemplait son nouveau vaisseau : un fier brigantin, armé de six redoutables pistolets à bouchon et manœuvré par... personne. Après une journée de rappel acharné à la populace, une douzaine d'épaves avait été rassemblée. C'était la lie de la rade, les marins déprimés, les trop vieux, les trop bêtes, les trop moches, plusieurs bavaient continuellement et la moitié ne savait plus distinguer la proue de la poupe. D'ailleurs, la proue de la poupe, c'était difficile de les distinguer sur la honte des sept mers que son maigre pécule avait permit d'acheter. Un brigantin ? La moitié d'un seul alors ! La coque poreuse laisserait passer des trombes d'eau de mer s'il n'y avait pas toutes ces bernacles pour la rendre étanche. Et mauvais voilier en plus, si mauvais qu'un vent de travers le faisait partir en crabe sans faire un mètre vers l'avant. Partir de rien on avait dit. Tout se passait donc comme prévu.




Le 05/06/14 à 18h41 : Nous avons recruté 13 marins à Ile-à-Vache.
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MessageSujet: Re: Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain   Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain Icon_minitimeMar 10 Juin 2014 - 13:05

Un vrai fléau des mers ! Le cauchemar de la Royale et de la Navy réunies ! Un ravageur de convois né ! Voila ce qu'était le brigantin du capitaine Breeg ! En tout cas c'est ce que la bande d'éclopés bredouilles raconterait à son retour à quai.

On ne pouvait rêver meilleure expédition ! Dès leur sortie du port, les valeureux marins d'eau croupie qui formaient l'équipage avaient déjà commencé à grincer des dents. Comment concevoir une barcasse aussi mal fichue ? Les lignes obèses, répondant mal à la barre, des voiles qui éclatent à la moindre rafale, les coutures de la coque aussi béantes que celles de leurs caleçons, ah il était beau le fléau des mers ! Même par temps calme on guettait d'un œil nerveux la formation de ces bulles sur la toile qui annoncent sa prochaine conversion en lambeaux pitoyables, comme de formidables étendards à la gloire de l'échec. Déjà qu'ils n'étaient pas beaux au port, les voila encore plus laids avec leurs grimaces de dépit, ces redoutables marins. Heureusement qu'ils seraient si peu à rentrer, ça faisait déjà ça de gagné pour l'humanité.


Deux jours après leur départ, cap SOS (prémonitoire ?), voila qu'ils tombaient sur des voiles. Et pas qu'un peu. Une flotte anglo-batave, encore. Cela devenait lassant dans le coin. Pas dégonflé pour un sou et surtout sans une once de bon sens, le capitaine Breeg ne renonçait pas pour autant à la traque de juteux navires marchands pour rembourser ses multiples dettes. Bon sang, leur faire gagner seulement une vingtaine de piastres chacun à ces gueux, ce serait si merveilleux ! Avec ça il arriverait à convaincre quelques marins de bon sens qu'il pouvait encore les rendre riches. Quelques marins de bon sens, il ne désirait rien d'autre. On avait dit partir de rien !
A bonne distance de la flotte sur laquelle ils gardaient un œil inquiet, les marins de L'Enfant-de-Carnaval, ce beau brigantin si fier à voir, avaient déjà des envies de tourner casaque. Sur la trentaine de bougres échevelés que comptait la barcasse, il y en avait déjà cinq qui voulaient devenir agriculteurs ! La crème de la piraterie, moi je vous le dis !
Obliquant vers le sud, L'Enfant-de-Carnaval rôdait avidement autour de marchands isolés qui menaient leur paisible négoce, pas effrayés pour un sou par le torchon sale mais néanmoins bardé d'un squelette qui flottait pas bien haut au-dessus de l'eau. Dans le milieu de la journée, une barque française pointa le bout de son nez, qui lui était pointé droit vers la flotte plus à l'ouest qui continuait sa "patrouille", comprenez plutôt sa "station-démolition", broyant tout ce qui passait dans le coin sans autre but précis que d’exhiber leurs beaux navires de guerre. Fanfarons ! Qu'à cela ne tienne, cria bravache le capitaine Breeg, nous allons leur souffler sous le nez cette proie facile. En position pour l'intercepter, L'Enfant-de-Carnaval arma ses six redoutables canons de foire. Qu'elle vienne la barque, elle serait à portée de tir dans pas une heure. La suite fut très confuse.

D'après ce dont se souvient le capitaine Breeg à travers les brumes du déni que la honte avait posé sur sa mémoire, le brigantin avait purement et simplement manqué un virement de bord, et dans la seconde qui suivit la barque française leur avait lâché six bordées de mitraille à faible distance sans même daigner ralentir l'allure, à peine s'ils avaient consenti à faire un écart pour les assaisonner avec plus de commodité. Quand la fumée et le désordre se dissipèrent, treize bonhommes gisaient dans leur sang.

"Où est le toubib ?!" rugit Jeremiah Breeg en saisissant à pleines mains la barre que le timonier avait abandonné pour aller cacher sa peur loin dans les fonds.
Il leur faisait les poches le toubib, certains affirmeront même l'avoir vu glisser un petit coup de surin à ceux qui remuaient encore. La crème de la piraterie !


"Ça va se payer, le Français, tu m'entends ?!" hurla Jeremiah qui n'avait décidément pas la langue dans sa poche et les cordes vocales bien placées.
La barre dessous, et que ça saute, et L'Enfant-de-Carnaval se ruait à la poursuite, pivotant lourdement son étrave trapue. Quelques minutes plus tard et ils lui collaient au sillage comme une tâche de goudron sur un costume blanc. Juste après les voila qui ouvraient le feu à leur tour, deux bordées dedans, même munitions, la politesse ! L'odeur de la poudre les avait tous rendus fous à lier. Le plus fou de tous, un opiomane à la salive abondante poussa même un grand "Je vous aurais !!" et bondit par dessus bord, nageant comme un dératé derrière la barque, et très vite derrière le brigantin qui n'allait pas s'arrêter pour l'attendre. On entendrait plus tard parler de lui, il serait devenu roi d'une civilisation prospère quelque part dans la jungle, mais on ne l'a jamais prouvé.
A chaque rechargement l'opération devenait plus compliquée. Les gargousses roulaient par terre dans tous les sens, des écouvillons tombaient à la mer, les servants se trompaient de pièce, ce qui était tout de même un exploit il n'y en avait que trois de chaque coté. Mais ce genre d'exploit était précisément ce qui faisait la légende de L'Enfant-de-Carnaval. Un vrai carnaval, ce furent les deux bordées suivantes, une prouesse de terme de maladresse. Jeremiah en mordait la barre de rage quand voila soudain arriver quelqu'un qu'on attendait plus tant on avait l'habitude de le voir arriver au bon moment : le hollandais.









Le 09/06/14 à 14h51 : Nous avons fait feu à la mitraille sur le pont du Vulve (Barque longue) et l'avons raté !
Le 09/06/14 à 14h51 : Nous avons fait feu à la mitraille sur le pont du Vulve (Barque longue) et l'avons à peine effleuré.
Le 09/06/14 à 14h51 : Nous avons fait feu à la mitraille sur le pont du Vulve (Barque longue) et l'avons touché.
Le 09/06/14 à 14h51 : Nous avons fait feu à la mitraille sur le pont du Vulve (Barque longue) et l'avons touché.
Le 09/06/14 à 14h39 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a à peine effleuré.
Le 09/06/14 à 14h39 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a touché de plein fouet !
Le 09/06/14 à 14h39 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a à peine effleuré.
Le 09/06/14 à 14h28 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a à peine effleuré.
Le 09/06/14 à 14h28 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a touché.
Le 09/06/14 à 14h28 : Le Vulve (Barque longue) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a raté !
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MessageSujet: Re: Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain   Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain Icon_minitimeDim 15 Juin 2014 - 23:18

Ah la belle rossée qu'ils avaient reçu ! Le navire qui rentrait dans la rade du comptoir sans foi ni loi n'avait de navire que le nom. Rasé jusqu'au pont, il ne lui restait pas un bout de mat pour hisser son pavillon, emporté à la mer depuis trois jours. Depuis trois jours les survivants ahuris de fatigue de l'Enfant-de-Carnaval ramaient à bord de la dernière embarcation valide du navire, et le plus étonnant était qu'ils y tenaient tous ensemble, ce qui était bien pratique car personne ne voulait rester à bord de ce maudit bateau-lavoir qui risquait à chaque instant de sombrer comme une pierre. Nombreux étaient ceux qui auraient souhaité voir cela se produire avant d'arriver, mais là encore décevant les espoirs de beaucoup, le brigantin survécut.

Alors qu'ils s'escrimaient pour tirer avec les bons canons sur ce maudit français, tandis que Jeremiah Breeg imprimait la marque de ses dents dans le bois de la roue, une énorme frégate de guerre hollandaise, la même sous la nez de laquelle ils avaient prévu de ravir la barque française en vérité, se jetait sur eux. Cela dit, cela correspondait à une possibilité envisagée, ce qui n'était donc pas totalement un désastre. Non, le désastre allait arriver juste après. Le capitaine hollandais a-t-il été outré de voir qu'un si petit moustique tentait de leur ravir une proie aussi insignifiante ? Ou les attaquait-il pour empêcher tout son équipage de mourir de rire ? A moins qu'il n'ai voulu voir le prodige de nullité de plus près, nul ne le saura. Capturer de tels phénomènes de bêtise lui aurait sans doute valu tous les honneurs, on ne doit pas en croiser tous les jours des comme ça sur la Caraïbe.
A bord de l'Enfant-de-Carnaval, c'était la panique. Les marins édentés, hagards et pour certains déjà saouls, les dix-sept survivants en vérité, se bousculaient pour trouver refuge dans la cale, épouvantés par la vue des terribles canons de neuf livres qui pointaient vers eux, laissant seul sur le pont le capitaine qui préférait finalement virer de bord tout seul, n'étant jamais mieux servi que par lui-même sur cette épave. C'est alors qu'arriva le fameux désastre, celui que l'on attendait depuis le début. La première bordée fut terrible : une écoute dans chaque main et une entre les dents, Jeremiah fut balayé et soufflé à l'autre bout du pont, tandis qu'autour de lui les mats, les étais et d'immenses réseaux de cordages s'effondraient de toutes parts. Dans les profondeurs de la cale, les marins pillaient à l'envie le stock d'alcool, histoire d'en laisser le moins possible à l'ennemi, puisqu'il n'y avait rien d'autre de valeur à bord. Alors qu'ils demandaient à la ronde quel était le sort prévu pour les pirates selon la loi hollandaise, la trappe s'ouvrit et le capitaine Breeg rampa dans les ténèbres, la chevelure dans tous les sens et du bois brisé plein sa chemise. Sans faire de commentaire il prit le premier flacon qui passait et se mit à boire à son tour, résigné et furieux. Au-dessus d'eux, on entendit le rugissement d'une seconde bordée et d'horribles craquements, le gréement en prenait pour son grade. Bientôt viendrait l'abordage. Pourtant on entendit une troisième salve, et soudainement la coque fut constellée de petits trous de lumière, la mitraille perforait le bordage, et deux matelots adossés ivres morts à ce même bordage furent constellés de petits trous de sang. Ce fut le choc, l'émotion qui les décida tous à ne pas subir le même sort. Bondissant sur le pont, ils crurent arriver en plein incendie. On n'y voyait pas à deux mètres, l'air sentait la poudre et piquait les yeux. Les yeux écarquillés, les quinze survivants regardaient le vide qui remplaçait à présent l'ensemble du gréement et de la mature. Tout était passé à la mer ou sur le pont, le grand-mât à l'eau faisait tourner d'une façon improbable le brigantin autour de cette immense ancre flottante. La suite tient du miracle.

Finalement, ils furent tous sauvés par la peur. La peur de mourir, la peur de la corde, tout cela provoqua un immense chahut sur le pont de l'Enfant-de-Carnaval. Chacun avait une idée à lui, ou une certaine conception de la fuite. Incroyable l'énergie que la peur vous donne. En deux minutes à peine, tous les cordages reliant encore la mâture au navire étaient tranchés, la dernière et unique barque mise à l'eau et à bord, les quinze marins, capitaine compris, ramaient de toutes leurs forces dans un grand désordre de pelles vers le ciel et d'éclaboussures et de jurons. La fuite aurait été encore plus facile s'ils ne juraient pas autant, malgré l'épais brouillard provoqué par la fumée dans laquelle ils se cachaient, on aurait pu les suivre à l'oreille. Fort heureusement, la coque de noix qu'ils trainaient en remorque ne se voyait plus de bien loin, et comme elle n'était pas bien haute sur l'eau non plus, ils parvinrent à mettre une certaine distance entre eux et la frégate, qui ne daigna pas les poursuivre, fort heureusement. La nuit acheva de les tranquilliser, bien que la pensée que le hollandais allait capturer sans coup férir la barque qui aurait dû être leur première prise, faisait grincer quelques dents noircies.

Ah la fière vision que cet équipage d'éclopés trainant une épave rasée jusqu'au pont, le bel ensemble que voici. La caisse du bord comptait moins de 250 piastres à leur départ, autant dire qu'il était hors de question de se payer les services d'un charpentier. Grande entreprise en perspective, que celle de mâter un navire sans un sou. Heureusement, s'il était dépourvu de ressources, Jeremiah n'en manquait pas. Grâce à ces contacts parmi les contrebandiers et autres truands réduits à truander d'autres truands pour vivre, il réussit à se procurer un mat, des vergues, des voiles et toute une variété de cordages, cela à crédit bien sûr, avec l'accord tacite de ne jamais rembourser. Quand il revint le long du quai, il contemplait la mine éberluée de ses trente valeureux membres d'équipage (Jeremiah Breeg avait désormais l'habitude de racler le fond des caniveau pour compléter son équipage). Devant eux étaient étalés les fournitures et pièces de bois, dont ils allaient avoir la charge de faire un gréement, à la seule force de leurs bras. Cela allait être une excellente occasion de leur apprendre, ou ré-apprendre les bases. On avait dit : partir de rien. Ils n'avaient même plus de gréement, on aurait difficilement pu rêver mieux. A force de partir de rien, ils allaient bien finir par arriver quelque part.











Le 09/06/14 à 18h05 : Le De Zeven Provincien (Frégate de 9) a fait feu à la mitraille sur le pont de notre navire et nous a touché de plein fouet !
Le 09/06/14 à 18h04 : Le De Zeven Provincien (Frégate de 9) a fait feu aux boulets ramés sur le grément de notre navire et nous a touché.
Le 09/06/14 à 18h04 : Le De Zeven Provincien (Frégate de 9) a fait feu aux boulets ramés sur le grément de notre navire et nous a touché.
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Saviez-vous que l'Ile-à-Vache est absolument dépourvue de ces bovidés femelles dont elle se targue de regorger ? Ceux qui vous disent le contraire vous mentent, il n'y a pas une seule vache. Des bœufs, par contre, il y en a, et une chiée. Parmi ces bœufs il y en a un qui se distingue particulièrement parmi les autres. Certains le considèrent même comme le roi des bœufs. De ce titre il ne tire aucune fierté, il n'est pas né pour commander à la masse du troupeau non. Il veut vivre ce bœuf, brouter, mastiquer pendant des heures, boire une fraiche ondée, copuler bestialement avachi sur le dos de sa partenaire, déféquer où bon lui semble et voir son troupeau grandir. Un mec bien quoi. Comment vous n’aviez pas encore pigé qu'on parlait d'un gars, là ?! Merde les mecs faut suivre !

Je poursuis.

Donc le bœuf c'était Jeremiah, pour les trois pèlerins du fond qui ne suivent pas. Jeremiah vivait un moment assez pénible pour son honneur gloire prestige amour-propre fierté... Ah mince... Bon... Un moment assez pénible pour son cul voilà ! Brutalisé par une dizaine de malabars en pantalons de toile armés de gourdins, Jeremiah se faisait copieusement éclater la gueule sur le pavé d'une rue, très fréquentée bien sûr. Pas un brave pirate pour l'aider bien sûr, pourquoi le feraient-ils au final puisque son propre équipage était parmi les premiers à foutre le camp dès le début de l'esclandre. « Non mais vous comprenez j'ai une réputation à tenir, je ne voulais pas me mêler à une vulgaire rixe de rue. » Je ne déconne même pas, c'est exactement ce que l'un d'eux dira quelques heures plus tard pour se dédouaner. On en était à ce niveau-là.
Les mecs aux gourdins, c'était les gros bras des principaux créanciers du capitaine Breeg. Pauvre bougre, il ne méritait pas un tel acharnement, c'est bien là qu'on reconnait les salauds, les premiers sur les charognes encore chaudes. Après s'être mangé une bonne centaine de coups de botte dans le cul, Jeremiah fut laissé pour femme sur le carreau, car s'il n'était pas mort, ses roustons avaient mangé sévère, et on était en droit de se poser des questions d'ordre sémantiques à son endroit. Ou son envers, on ne faisait plus trop bien la différence.

Finalement, ce fut un simple inconnu, un passant, un touriste, qui releva Jeremiah, sans doute le seul mec du bled à ne pas craindre sa légendaire poisse comme la peste. Un vrai inconscient ce mec. Heureusement il s'est rattrapé en bon sens quand il a laissé Jeremiah tomber dans la boue en lui tirant ses chaussures. C'est en rampant les deux mains sur les fesses (essayez pour voir) que Jeremiah se traina jusqu'aux docks où on avait bien voulu faire un peu de place au ridicule
Enfant-de-Carnaval, le brigantin rasé jusqu’au pont. Déjà qu’il était moche avant, il fallait faire un réel effort d’imagination pour concevoir que ce machin avait un but fonctionnel et non décoratif (mais décoratif dans le genre moche vous voyez ?). Après cette petite mésaventure, il n’y eu que deux évènements notables pendant la semaine qui suivit.

Les « réparations » venaient de se terminer, ce qui était une excellente chose, l’équipage était maintenant à la tête d’un brigantin en théorie navigable, même s’il était dépourvu du moindre alcool au final, il y eu beaucoup de mécontents, les plus philosophes y virent de l’ironie. Il manquait énormément d’outils et d’accessoires, tout ce qu’on avait perdu dans le « combat » contre le hollandais. Ouais non ce n’est pas terrible, parlons franchement de grosse branlée, on sera dans le vrai. Et dans le même temps, naquit une légende. Celle du capitaine Breeg, capitaine infatigable, passant des jours entiers campés sur sa dunette, les bras fièrement croisés dans le dos, l’œil toujours en alerte. Certains prétendent qu’il ne se fatigue jamais, et en veulent la preuve qu’on ne le voyait jamais s’asseoir. Cette légende provoque chez les profanes de grands sourire béats d’admiration et une grande clameur pleine d’enthousiasme. Et chez ceux qui savent, de maigres sourires gênés et un lourd silence plein de honte.
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MessageSujet: Re: Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain   Les Fabuleuses Dérives de l'Enfant-de-Carnaval, ou la remontée assurée ~ Farce en plusieurs actes à l'épilogue incertain Icon_minitimeJeu 5 Fév 2015 - 18:15

Dix jours après le début de la « légende », donc trois après la fin des travaux, donc un seul après leur départ, on approchait enfin du grand moment. L’Enfant-de-Carnaval, à cinq nautiques au Sud de la pointe de l’Abacou, cap SE sous bâbord amure, était enfin sur les traces d’une proie à sa portée. Le petit senault anglais Campanula fuyait, tout du moins en apparence, en gardant sans soucis son cap originel. La « poursuite » était à hurler de rire.

Déjà, la vitesse du fuyard et du poursuivant faisait croire à un duel de lenteur, on croyait vraiment vu de la terre que les deux navires déployaient des efforts immenses pour aller le plus lentement possible. Pas à l’aise au vent de travers (était-il à l’aise sous une quelconque amure ce sabot ?), l’Enfant roulait comme pas possible dans les creux, on avait même perdu un canon passé à la baille, et cela sans doute pour deux raisons : le roulis déjà, le brigantin se vautrait dans les creux avec la grâce d’un cochon qui se jette dans la boue. Et ensuite parce que, chose assez merveilleuse, la moitié de l’équipage était toujours infoutu de savoir faire des nœuds. Ça parait dingue, prononcé comme ça hein ? Ça vous fait rire peut-être ? On avait dit partir de rien. Donc, encore une perte sèche sans le moindre coup de feu, le brigantin battait des records d’incompétence tels que Jeremiah avait songé inviter un journaliste à bord pour constater l’inconstatable, ce qui ne les aurait sans doute pas enrichis mais au moins attiré une petite sympathie, voire de la pitié. Même de la pitié, Jeremiah n’aurait pas craché dessus.

Deuxième point digne d’hilarité, le comportement des deux équipages. D’un côté, on a un équipage anglais, anglais qui comme chacun le sait ont tous, rigoureusement tous, un balai dans le fion et une minerve au cou, ce qui leur donne cet air si distingué de girafe constipée quand ils s’énervent. Ces perfides ne tournaient même pas la tête en arrière, ce qui mettait les pirates au comble de l’exaspération. Soit ils estimaient la menace vraiment peu digne d’attention, en soit ils n’avaient pas vraiment tort, soit tout simplement ils n’avaient encore rien remarqué, ce qui était plus vexant encore. Il faut dire que le pavillon de
l’Enfant-de-Carnaval ne flottait pas bien haut sur l’eau. Mais tout de même. Et de l’autre côté, on a un équipage pirate écumant de rage, une trentaine de marins massés dans le beaupré comme déjà prêts à bondir, les yeux fous, hurlant les pires saloperies qui puissent sortir de la bouche d’un humain, par cela j’entends que même la putain vérolée de Cumana n’en a jamais sortie de pires de la sienne, et c’est dire. De son coté, Jeremiah Breeg faisait peur à voir. Mais vraiment. Pour preuve, il bavait. Sa bouche écumait comme un enragé, ses yeux roulaient dans leurs orbites, il sautait à pieds joins sur la dunette, les deux mains fermement cramponnées à la roue de gouvernail, et de la mousse qui lui sortait d’entre les dents on entendait parfois des ordres à un équipage absent, puisqu’ils étaient tous dans le beaupré et, gueulant plus fort que lui, ils ne l’entendaient pas. La rage, la frustration, l’humiliation, le besoin aussi, tout cela avait rendu Breeg complètement dément. Son équipage amassé à l’autre bout du navire, occupé à brasser l’air dans de grands mouvements désordonnés des bras, sa barcasse pourrie qui peine à remonter entre chaque creux, l’anglais résolu à l’ignorer royalement, tout cela c’était trop. Il allait leur ouvrir le ventre, à chacun d’eux, les anglais, et son propre équipage, qui ne méritait pas moins.

A mesure que le temps passait, le soleil approchant du zénith, la distance entre les deux navires finit par laborieusement décroitre. Laborieusement c’est le mot, puisqu’un muscle à bord en fut tout tétanisé par l’effort, et ce furent les cordes vocales du capitaine, qui s’était éteint la voix à force de hurler désespérément pour attirer l’attention de son équipage. On avait fini par brasser correctement, et alors que l’équipage fourbissait les cure-dents et les pétards mouillés, base de leur arsenal, le capitaine buvait une tisane bien chaude pour soulager sa gorge en feu. Le premier homme à descendre à l’infirmerie fut donc le capitaine, avant même le début des combats, pour une extinction de voix. Partir de rien, partir de rien, se répétait ce dernier, cachant sa frustration de ne pas pouvoir hurler sur quelqu’un pour se détendre en mordant férocement dans un cabillaud et en grognant sur qui l’approche.
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On y était ! Le fracas des armes, le choc de la bataille, le cri des blessés, l’ivresse de la poudre ! Des choses magnifiques n’est-ce pas ? Autant dire des choses auxquelles un vrai pirate accorde de la valeur. Un vrai pirate sait les produire, c’est donc pour cela que tout cela n’arriva pas ce jour-là. Au lieu d’un canonnage épique, on assistait à une sorte de lutte entre deux obèses ivres. Les deux navires, bord à bord, dérivaient mollement l’un sur l’autre, rendant la manœuvre des canons impossible, les chocs entre les coques avaient déjà arraché deux mantelets à l’Enfant qui peinait bien à ne pas se faire déventer par l’autre. Et au milieu de cela, vaille que vaille, on tentait de se tirer dessus. Et aux vues des résultats des fusils, on était inventifs. Sur l’Enfant on avait trouvé une solution innovante pour palier à la nullité des canons : on lançait directement les boulets et les gargousses à la main. Ca peut sembler stupide, cela l’est sûrement un peu, mais cela donnait en l’occurrence des résultats. Les marins anglais, aussi nombreux et supérieurs en armement (comprenez deux canons de 4 livres sur chaque bord contre deux et demi de 3 livres), se tenaient fort intéressés le long de la lisse, curieux de voir la chose qui se présentait devant eux. A leur place, vous auriez rit, si l’équipage d’un bateau-lavoir le long du votre formait une sorte de danse abstraite à base de gesticulations et de courses éperdues en tous sens, au milieu de grands cris de panique et de panaches de fumée. Et sans danger en plus, un spectacle de pyrotechnie était bien plus létal que le feu « nourri » des pirates.

Aussi furent-ils très surpris ces rosbeefs en voyant une pluie de boulets, gargousses, cabillauds, rames, poulies et autres baquets à mèche s’abattre sur eux. Plusieurs marins assommés, ils refluèrent en désordre quand éclate la salve. La seule que le capitaine Breeg, changé en mime pour l’occasion, avait réussi à ordonner correctement. Il y eu un cri chez l’anglais, un cri de surprise plus que de douleur, alors que les Enfants passaient à l’abordage. La surprise fut si totale, si désarmante, qu’avant de comprendre que ce plaisant spectacle comique nautique était en réalité une attaque en bonne et due forme, les anglais étaient jetés à la mer comme des restes de cambuse. Parmi les rangs des pirates il n’y eu que deux victimes, l’un s’étant maladroitement déchargé son pistolet dans le ventre en voulant s’en servir, l’autre s’étant étranglé avec son ceinturon en l’enfilant.

La victoire fut une telle surprise que
l’Enfant-de-Carnaval faillit connaitre une fin bien digne de lui à cet instant, personne n’étant resté à bord pour le retenir. Mais là encore, décevant les espoirs de beaucoup, il en fut autrement, et on le rattrapa à temps. Il faut dire que le pillage s’était essentiellement et spontanément concentré sur les liqueurs du bord et les alcools à désinfecter de l’infirmerie, une ressource extrêmement précieuse. Le capitaine ne fut pas en reste, si bien que les deux coques dérivèrent de longues heures avant que quelque chose de productif ne fut accompli. C’est quelque peu barbouillé que Jeremiah Breeg fit l’inventaire de « sa » prise : quarante sacs de sucre non raffiné de Kingston, deux quintaux d’écorce de quinquina, dix ballots de tabac, et surtout près de 6000 piastres sonnantes et trébuchantes. Face à une telle somme qu’il n’avait pas vu depuis des mois et qu’il avait désespérément attendu, Jeremiah Breeg fondit en sanglots.






Le 14/06/14 à 23h55 : Nous avons abordé Campanula (Petit Senault) qui s'est rendu après un combat acharné.
Le 14/06/14 à 23h55 : Nous avons échangé des tirs de fusillade avec Campanula (Petit Senault).
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Ah la gloire, quelle chose magnifique.


Jeremiah n’avait pas arrêté de pleurer pendant cinq heures. Vous imaginez comme ça pique après dix minutes, imaginez cinq heures ! L’émotion vous comprenez, Jeremiah Breeg est un grand sensible dans le fond. Fidèle à son image, il était resté immobile sur sa dunette pendant tout le trajet retour sur l’Ile-à-Vache, ivre de joie à l’idée de pouvoir enfin larguer sur place la bande de minables qui achevait de faire tomber par-dessus bord ce qu’on avait pas déjà balancé. Plus une poulie, plus un cabillaud, plus un bac à mèche, tout se faisait jeter à la mer par la pire bande de guignols que les mers ont portées. Des abrutis, il y en a toujours eu, et il y en a partout. Mais des abrutis hystériques peuvent produire de véritables miracles. Un miracle aussi fou que celui de percuter le quai par la poupe, je prends un exemple au hasard !



« Ils l’ont fait… » C’est ce que pensait, oubliant de refermer la bouche, le vieux pêcheur au bout de la jetée qui avait été témoin de tous les départs et toutes les arrivées du capitaine Breeg, de sa splendeur à sa déchéance absolue. Et il n’en revenait pas ce pauvre vieux. D’ailleurs il cassera sa pipe dans la nuit, le sourire aux lèvres, heureux d’avoir vu de ses yeux un miracle de la Vierge se produire. Déjà, emboutir un quai en reculant, faut le faire. Mais que le brigantin du capitaine Breeg et ses glaiseux des mers ramènent une prise, une vraie hein, ça c’était un miracle.


Après un long moment de panique pendant lequel le fier brigantin tournoya sur une seule amarre car on était infoutu d’en trouver une deuxième, le déchargement commença et à toutes jambes, les Enfants jaillirent hors du navire comme s’il en dégueulait des sabords pour se jeter sur la première catin venue, le premier carafon de rhum, la première outre de vin, le premier quignon de pain ! Les vivres ayant été perdus dès le départ par les infiltrations d’eau, l’on avait rien mangé depuis la veille, et comme si l’or leur brulait les mains, les marins allèrent le jeter à la face des tenanciers les plus proches. Pour peu ils les auraient dévorés, tablier compris. Ce fut si rapide et brutal que personne ne songea à demander qui restait à bord, et cette nuit-là le butin des forbans fut amputé de 8000 piastres. Les 6000 provenant du coffre du
Campanula furent bus, consommés ou baisés sous la forme de divers produits du port, et pour près de 2000 piastres de marchandises furent volées à bord pendant l’absence de l’équipage. Finalement le lendemain, tremblants sur leurs jambes molles, les marins revinrent, à court d’argent, pour prendre ce qu’il restait et continuer à boire. Heureusement le capitaine Breeg revint à bord le premier, à temps pour balancer la passerelle à l’eau et éviter que le fruit de tant d’efforts et d’extinctions de voie ne s’évapore comme la vertu d’un curé dans un bordel de Cumana. Jeremiah dut beugler bien des heures durant, négocier âprement, reçut plusieurs légumes avariés au visage de la part de ses propres marins, avant qu’ils ne consentent à ne pas tout boire d’un coup. On se mit d’accord pour vendre les marchandises avant de boire, à l’origine la majorité voulait tout troquer contre du rhum, mais il sut les convaincre que leur intérêt était ailleurs. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit et parce que les marins sur le quai avaient froid qu’ils cédèrent, et Jeremiah accepta de laisser ses hommes remonter à bord, lui-même fatigué de les repousser à coups d’aviron.



Trois jours après, le capitaine Breeg réfléchissait d’un air pensif, plein de projets pour l’avenir et comment faire fructifier ces quelques milliers de piastres durement gagnés, le visage confortablement installé dans une flaque de vomi sous la table d’une auberge que ses hommes et lui avaient consciencieusement, méthodiquement changé en dépotoir. On était partis de rien, ça c’était établi, maintenant il s’agissait d’arriver quelque part. Mais Jeremiah doutait, il se demandait s’il ne voyait pas trop loin, à aller trop vite on se prend des retours de bâton du destin de type coups de pied dans la panoplie. Un lougre… Oui peut-être un jour armerait-il un lougre, si le diable lui prêtait la force d’aller jusque-là. Ensuite… Ensuite on verrait.






Le 16/06/14 à 09h39 : Nous avons abordé Galet Plat (Dogre ) mais la mêlée est restée indécise.
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