Nuit d'encre. Des chiens au loin hurlent à la mort.
Seules quelques étoiles daignent filtrer dans ce néant.
Certaines dessinent une gamelle, d’autres un cleps et même une banane !
Mais celles-ci, plus à l'est, on dirait le drapeau des Marchombres qui flotte dans le ciel.
Saskia, allongée dans son hamac, un pichet de rhum à ses côtés, une larme dans les yeux, se remémorait ses deux dernières années depuis son arrivée dans les Caraïbes.
Ha ! ce drapeau noir que j'affectionne ! qu'il soit requin ou masque, derrière se cache l’indépendance et la liberté.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis mon intégration chez les Sharks. Eux qui m’ont tout appris…
Ils sont nombreux à nous avoir quitté, pour voguer de leurs propres ailes, pour naviguer dans d’autres eaux. De nombreuses raisons. Nous savons bien que les pirates n’ont pas d’attaches…
Cependant, nous sommes restés quelques uns solidaires et les Marchombres virent le jour. Quelle grande et belle histoire de rapines et de grandes batailles. Des pirates soudés, sans foi ni lois qui continuaient à semer la terreur et à repousser ces envahisseurs d’Europe. Ces grenouilles de bénitiers.
Bon, on s’est battu sous l’étendard espagnol un certain temps. Mais c’était par la force des choses.
Les Machombres sont vite revenus au Jolly Roger dès que l’occasion s’est présentée.
« Garcimore, va donc me remplir ce pichet, bon sang, il est encore vide…. N’as-tu pas vu ? »
« Capitaine Saskia, vous devriez arrêter ! Vous savez bien si vous buvez trop vous ne pourrez pas commander votre équipage. Les français ne sont pas loin… Et toutes les Caraïbes sont à nos trousses… »
« Qu’ils aillent au diable, puisqu’ils y croient !!!! Morbleu ! N’as tu pas vu qu’ils fuient, ces chiens ! C’est moi qui bois et c’est toi qui ne vois rien !! Nous ne sommes pas encore morts. En deux jours nous avons récupérés deux grands chebecs à ces culs bénis. Fêtons ça comme il se doit »
Qu’est-ce qu’il peut être froussard des fois lui aussi. Bon d’accord, on s’est retrouvé plus d’une fois en canots mais quand même.
C’est tout de même une belle nuit. Un peu trop calme toutefois.
« Django, sors de ta cuisine, viens nous jouer un morceau sur ta guitare »
« Mais Capitaine, je dois surveiller la cuisson ! »
« Bon sang, n’ai je pas recruter des aides cuistos qui m’ont coûté la peau du cul ???! »
« Porompom pón, poropo, porompom pero, peró,
poropo, porom pompero, peró,
poropo, porompom pon. »
Ha ça fait du bien !!!
Toutes ces idées tristes, il faut les mettre au placard…
Ne pas chercher à comprendre…
Mais quand même. Quelle tristesse.
Pourtant nous avions eu de grandes batailles, de grandes victoires.
Mais il y avait ces Phantom. Ces vendus aux nationalistes !
Des pirates qui se planquent, qui attaquent comme des mulots et retournent dans leur trou. Et surtout qui attaquent des pirates alors que nous sommes censés avoir les mêmes ennemis.
Mais l’appât du gain, quelle que soit sa source ne va pas rebuter un pirate ! Sont prêts à passer un pacte avec le diable.
Ce qui n’a jamais été le cas ni chez les Sharks ni chez les Marchombres.
Potter, le grand Potter ! se fait aborder au large de la Tortue alors que nous étions tous fatigués de rudes batailles…. Une seule envie, en tout cas pour Potter, retrouver les belles (ou pas !) des bordels de Tortuga.
Les Phantom en ont profité, cachés comme ils savent si bien le faire… Ils nous prîmes par surprise.
Cela fut trop pour Potter.
Sa dernière missive : « Oubliez moi. J en ai plein le cul. » Mais comment t’oublier mon ami… ?
La décision fut vite prise. Dégoûtés, la majorité des Marchombres suivirent Potter et décidèrent de rejoindre l’Espagne.
Ça tombe bien. Des ambassadeurs proposent une amnistie, une prime à la clé. Et se promettent de nettoyer les Caraïbes du drapeau noir !
Ça me rappelle étrangement une vieille histoire. Celle qu’ils avaient appelé « opération mer propre » ! hahahaha !
Nous étions affublés de tous les noms, du blaireau au noiraud en passant par les borgnes…
Ha, elle était propre cette mer. Nous naviguions dans des eaux rouge sang !
La vie va être plus dure, certes. Mais ils ont décidé encore une fois de nous rayer de la carte par tous les moyens…
S’il doit rester quelques irréductibles, j’en ferai partie.
Et s’il le faut nous serons les derniers des Moribonds.