Aristide se frotte les yeux. La nuit fut longue, mais pleine de promesse. Vingt-deux recrues pour son Lougre, et un équipage au complet pour quitter Grenada. Pas eu le temps de dormir, il fallait partir à l'Aube pour éviter les regards indiscrets.
Il avise son équipage et jette un coup d’œil à ses voiles. Vent arrière, bonne brise. Il sent des voltés d'écumes qui lui fouette le visage. L'eau est bonne, salé, riche. Et bientôt sanglante.
Il a baptisé son navire "Trahison". Pas franchement engageant. Mais ne serait ce que pour souligner son forfait, il n'aurait pu le nommer autrement. Avoir raconté des cracs à toutes la marine Française, juré fidélité à ce foutu bâtard de Louis, promis sur la bible qu'il se battrait pour la gloire et la puissance de la France ... Tout ça pour vendre son foutu rafiot dès le matin de son arrivé, cracher au visage du gouverneur quand il lui demande ce qu'il faisait dans les parages, échapper à la garde et quitter le port avant que ces jeanfoutres lui fassent un nœud autours du cou.
N'empêche que ça le fait sourire ! Belle provocation d'entrée ! L'aurait bien tiré une slave sur le fort si il avait put, les sabord étaient pas du bon coté ... Pas de chance.
Aristide arrête son Bosco.
"Foutredieu Fernand, nous y sommes ! Pas de quoi renverser un pays pour le moment, mais je le sens bien ce foutu rafiot ! Trouve moi une cible. N'importe quel pavillon. On le croise, on le coule. Juste pour se signaler. Pour le Plaisir mon ami !"
Fernand sourit. S'il suit ce damné taré de Frès, c'est parce qu'il a toujours aimé la liberté. La liberté de tuer, de piller, de saccager. Malade qu'on le disait le Fernand ! Z'avait pas vu l'Aristide mes gaillards !