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| L'amour de l'argent | |
| | Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: L'amour de l'argent Jeu 26 Déc 2013 - 7:01 | |
| - Vous ne pouvez pas acquérir de terres en métropole, car vous n'êtes pas hollandaise. Vous êtes née à New York.
Betje reste bouche bée.
- Le gouverneur a précisé que c'était sans appel. Désolé, Madame. Je vous souhaite une bonne journée, Madame.
Betje se rappelle de respirer.
- Je demande à voir le gouverneur! Tout de suite! Ou j'arrête la livraison de soie et de bijoux à ses maîtresses... et je les envoie à sa femme, mots doux compris! Qui est-il pour affirmer que je ne suis pas hollandaise? J'ai l'air espagnole, moi, d'après vous???
Le gratte-parchemin ne bronche pas devant la furie qui brandit une ombrelle fermée sous son nez. Il est décidément très fort en son genre.
- Le gouverneur est absent pour quelques semaines. Revenez plus tard, Madame.
Il n'y a rien à faire. La jeune femme tourne brusquement les talons pour retourner au port.
Les grands-parents de Betje exploitaient un comptoir de traite des fourrures en Nouvelle-Néerlande. Ils décidèrent de rester quand la colonie passa aux Anglais, qui respectèrent leur liberté de religion et leurs droits de propriété. Betje était bel et bien née à New York. Son père, toutefois, avait navigué durant des décennies sous pavillon hollandais dans les Caraïbes. Se peut-il que Betje ne soit pas hollandaise, légalement?
Elle soupçonne plutôt à un coup fourré du gouverneur. Il doit croire toutes les rumeurs qui circulent à propos de la jeune femme.
Tout a commencé quand une meute de pirates est arrivée dans la région. La barque de Betje est alors le seul navire marchand qui poursuit normalement ses activités. C'est dans ce contexte qu'elle s'enrichit rapidement. Tout le monde le sait grâce aux hommes de son équipage qui, grassement payés, dépensent comme des princes dans les tavernes et les bas-fonds.
La question est sur toutes les lèvres. Comment cette femme réussit-elle à naviguer dans des eaux infestées de pirates? Ne craint-elle point l'abordage? Certains affirment que Betje a été une espionne à la solde de ces brigands. Une rumeur persistante veut qu'elle leur ait livré des canons de 6 en échange d'un sauf-conduit. On répète même qu'elle a accordée ses faveurs à un pirate pour se sauver d'un abordage. Pure calomnie! Elle n'a jamais adressé la parole à ce Piotr Curtiss, aussi psychopathe que bavard dit-on.
Betje soupire, agacée. Mais elle se dit que les rumeurs n'ont aucune importance. Quand la nouvelle année arrivera, Betje sera plus riche qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Très riche. Elle pourra construire une villa à côté de celle du gouverneur, mais en plus grand, et acheter des terres en Italie plutôt qu'en métropole.
Elle n'aura plus besoin de travailler un jour de plus si ça lui chante. Nul besoin non plus de se marier ou de recourir à la séduction pour obtenir ce qu'elle veut dans la vie, contrairement à la plupart des femmes : elle peut maintenant se l'acheter. Quelle liberté, quelle luxe! Pour Betje, c'est tout simplement enivrant. Toute sa vie elle aimera l'argent plus que tout. Ou presque. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Sam 4 Jan 2014 - 19:28 | |
| Betje fait les comptes. 1 millions de piastres. Elle est arrivée à amasser un trésor d'un million de piastres. Elle jubile. Elle se dit que son défunt père serait fière d'elle. Ensuite vient l'inquiétude, qui n'est jamais loin. Betje garde son trésor avec elle. Elle conçoit que c'est insensé et périlleux, mais n'a jamais pu résoudre à s'en séparer. Pourtant, il le faut. 1 millions de piastres, c'est beaucoup trop d'argent à garder sur soi. De plus, elle a commis l'imprudence d'afficher des signes de sa richesse : robes, bijoux, des largesses pour son équipage, la villa qu'elle est en train de faire construire.... Elle n'a pu s'en empêcher par besoin de se prouver au monde d'abord, ensuite par arrogance, et plus tard par vanité. Betje décide de convertir une partie de son trésor en pierres précieuses. Elle les placera dans des pochettes de fin tissu qu'elle coudra soigneusement à l'intérieur de ses jupons. Pour le reste, elle ne sait pas... - Papa, je ferais mieux de me faire oublier maintenant. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Ven 10 Jan 2014 - 0:33 | |
| Pour ce qui est de se faire oublier, c'est raté. C'est au même moment que Betje devient officiellement une paria dans la ville. Plus précisément, quand la petite fille du gouverneur court vers son père en lui tendant les bras : - Quand je vais être grande, je veux un bateau et être marchande comme la dame capitaine!..... Et avoir beaucoup d'ombrelles comme elle!Le gouverneur est horrifié. Cette vulgaire Betje Koemans, cette subverteresse! Son exemple est en train de corrompre sa propre fille! Et pourquoi pas des femmes corsaires, tant qu'à y être? Le « péril Betje » ne s'arrête pas là. L'équipage de l' Amalia a la fâcheuse habitude de payer de nombreuses tournées dans les tavernes. Dès que le navire arrive au port, la moitié de la ville délaisse femmes, enfants et travail pour se précipiter où l'alcool coûlera à flots. Ses 35 hommes d'équipage, les mieux payés des Caraïbes, ont également fait doubler le nombre de filles de joie dans la ville. Les permissions sont longues, mais ces demoiselles se cherchent activement du travail quand ils ne sont pas au port. Et il arrive que l'équipage de l' Amalia paie des « tournées » dans les bordels aussi. Le gouverneur décide que ça ne peut plus durer. La présence de cette femme capitaine dans la ville constitue pour lui une véritable menace à l'ordre public, pire que la menace pirate, espagnole et française réunies! Elle doit quitter la ville et surtout ne jamais y remettre les pieds. C'est alors que commence la persécution administrative de Betje. Le gouverneur est implacable. L' Amalia est envoyé en quarantaine, et son équipage au lazaret. Les gratte-parchemins inventent des octrois qui s'appliquent seulement quand le navire de Betje est au port. L'authenticité de ses documents de bord sont contestés. On inspecte minutieusement sa cargaison et on lui impose de fortes amendes pour tout et n'importe quoi. Du jour au lendemain, Betje se fait répondre par les marchands de la ville qu'ils sont en rupture de stock. Elle a du mal à s'approvisionner en eau douce, vivres, cordages et voiles de rechange. Betje ne décolère pas, mais n'y peut rien. Elle n'a d'autre choix que de quitter la ville. De toute manière, elle sait qu'elle n'y trouvera jamais le statut social et la reconnaissance dont elle a terriblement besoin, un besoin presque maladif. Sinon, elle est aurait été invitée à un bal du gouverneur. C'est son rêve secret de fillette, très fleur-bleue. D'ailleurs, personne ne doit le savoir. Celui qui le devinerait sera jeté par-dessus bord. Reste que Betje s'imagine souvent dans une robe somptueuse avec tout le gratin de la région, pendant que ses hommes d'équipage se distraient au bordel. Elle avait cru que l'argent allait lui ouvrir toutes les portes. Pas tout à fait. HRP: un grand merci à Bertrick pour son aide avec la persécution administrative! Toutes les incohérences avec l'époque sont de moi évidemment |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
Messages : 715 Date d'inscription : 09/01/2012 Age : 43 Localisation : A l'Ouest
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Sam 11 Jan 2014 - 14:16 | |
| Comme d'habitude, il n'avait pas été bien difficile pour Vincenzo Doria de s'introduire dans ce cul de basse fosse. En graissant la patte de la soldatesque locale, le capitaine faisait plus qu'arrondir leur fin de mois....il doublait parfois leur solde. Les bas quartiers si mal famés étant déjà peu fréquentés par cette dernière, dès son irruption, elle s'évaporait comme par enchantement.
La Mauvaise Fortune, sa superbe corvette de 6, responsable de bien des ravages, mouillait non loin de là dans une crique bien à l'abri. Mais "non loin de là", ça revenait à une bonne grosse marche bien pentue, à vous mettre d'équerre quand on avait seulement le pied marin. Aussi, le Great White n'avait pas tarder à prendre ses aises une fois arrivé à son rendez vous. Reprenant son souffle avec une bonne bouffarde, pour fêter ça comme dirait l'autre, il feuilletait le premier numéro de la feuille chiourme, attablé dans l'arrière salle d'un vieux bouge, servit aux frais de la princesse par le taulier.
Toutes ces exécutions sommaires qui y étaient relatées firent frémir le pirate, lui rappelant cruellement la précarité de son statut. Il ne put s’empêcher un court instant de songer à la sensation d'une corde autour de son petit cou, qu'il s'empressa de tâter, et dégager de son oppressante chemise à jabot. Mais à bien réfléchir, il se persuada qu'il ne finirait pas comme son illustre bisaïeul, aussi confiant que ce dernier....
Le grincement de la porte le tira de sa funeste rêverie. Un malandrin encapuchonné dans un vieux paletot délavé fit une entrée précipitée, rudement poussé par le colossal Carlos, qui gratifia son chef de son plus beau sourire édenté.
"Pas trop tôt.....je commençais à perdre patience...déjà que j'en ai pas un pet à revendre, et encore moins depuis cette récente déconvenue avec le trésor de Von Hummel qui m'est passé sous le nez à un poil de barbe de ma bourse, je suis sur que t'as pas envie de me courroucer gamin, hein?"
"Pour sur m'sieur Doria...."
"Capitaine....j'aime bien les ronds de jambe, quoi de plus normal venant de pisseux comme toi, n'est ce pas? Mais je préfère capitaine...."
"Bien mo....capitaine!"
Tel un matou s'amusant avec une petite souris, Doria prenait toujours un malin plaisir à jouer de la peur qu'il pouvait provoquer.
"Allez, met toi à table foutredieu....j'ai faim d'alléchantes nouvelles. Tout est prêt comme convenu?"
Nerveux, le jeune homme essuya la sueur dégoulinante de sa peau, tavelée sans doute par les embruns.
"Les hommes de l'Amalia parlent trop, je.....j'en sais bien plus qu'il n'en faut. Parait que ça déplait à beaucoup de monde de voir une femme s'enrichir aussi vite. En plus une femme capitaine, non mais vous imaginez?"
"Ça j'en ai rien à cirer, à la limite ce serait même pas pour me déplaire....mais dis moi tout, avant que je t'estourbisse...."
"Oui cap'tain. Donc la demoiselle peut pas faire un pas sans qu'on lui foute des bâtons dans les roues. Je l'ai bien observée, et elle a l'air un peu parano, comme tous les riches...."
Clic. Calmement, le pirate avait sortit sa pistole, et pointait l'entrejambe de son contact.
"Redis moi ça pour voir...."
"Je...eu....elle....elle a prévu de lever l'ancre demain! Oui demain! A la nuit tombante."
Rengainant son arme avec un sourire carnassier, le capitaine répliqua:
"Bien, et ce plan alors? Il marche toujours?"
"J'ai engagé un homme sur, un pêcheur qui volerait sa mère pour une bouteille de rhum."
"On doit pas avoir la même conception de la sureté...mais continue...."
"Il vous attend sur le ponton, en face des docks de la Compagnie des Indes. La demoiselle dort toujours à quai, dans sa cabine, en sécurité. La plupart de ses hommes, si ce n'est la quasi totalité, doit être en train de festoyer dans les bas quartiers....donc en se montrant discrets et malins, ça devrait aller...."
"Bien, voilà, tes vingt piastres...pour une fois que tu me ramène autre chose qu'un os à ronger...."
Jetant par terre quelque menue monnaie, le pirate se leva, réajusta son chapeau à plume, et se dirigea vers la sortie. Hélant Carlos au passage, il s'en fut sans un mot vers les docks. A cette heure ci, les ruelles étaient plus ou moins désertes. On entendait ça et là quelque brouhaha venu d'un estaminet, ou l'on croisait quelque gai marin zigzagant ou pissant sur ses grolles, tanguant contre un coin de mur. Pas un chat sur les docks, si ce n'était un pauvre pebron, à moitié endormit, en faction devant la planche menant à bord de l'Amalia.
"Psssst..."
Se retournant vers un coin d'ombre, Doria aperçut le pécheur...
"Lut', faut payer d'avance."
Pas de simagrées avec ce pauvre bougre, il serait toujours temps de lui régler son compte plus tard. Doria paya et lui dit à voix basse:
"Tu nous attend avec ta barquasse juste en dessous de la poupe, comme convenu. Si jamais tu essaye de me tromper...couic...capiche?"
Carlos l’attrapa par le col, et le soulevant de terre tel un fétu de paille, lui mima l'égorgement du pouce. Le reposant délicatement, le pêcheur leur répondit:
"Vous inquiétez pas capitaine..."
Et fila dans l'ombre. Se retournant vers l'Amalia, Doria réfléchit un instant, et se remémora un instant les répliques qui feraient mouche, du moins l'espérait il.
"Tu me laisse parler, si jamais le zigoto nous asticote de trop, tu nous l'assomme bien proprement, hein mon grand....et t'as bien pris le matériel?"
Carlos opina du chef et désigna le rouleau de corde en travers de l'épaule sous sa chemise, puis ricana en tâtant un instant de son gourdin, qu'il cacha derechef derrière sa carrure d'armoire normande.
"Let's go..."
Doria se présenta devant le garde d'un pas tranquille, et salua son vis à vis en se découvrant à la manière des gentilhommes:
"Ola du bateau mon brave, je viens me présenter auprès de mademoiselle Betje Koemans, la capitaine de l'Amalia. Je suis Giovanni Rossoneri, illustre marchand génois, et voici Carlos, mon garde du corps. J'ai oui dire que votre capitaine avait des problèmes avec les autorités locales. Je pense pouvoir lui arranger ça, et l'introduire dans de bonnes grâces auprès du gouverneur."
"Mouais...."
Le garde détailla de la tête aux pieds nos deux héros, marquant une certaine insistance à reluquer Carlos, qui ne put s'empêcher d'avancer la tête en fronçant les sourcils, ce qui ne manqua pas de faire reculer le marin.
"J'm'en vais chercher la capitaine...attendez ici..."
Raté...Vincenzo désigna l'homme à son bras droit dès qu'il fut retourné. La Montagne ne résista pas à la tentation de lui asséner un énorme coup sur l'arrière du crane. Retenant l'homme pour éviter qu'il ne bascule du ponton, Carlos le souleva, et le déposa derrière un tas de caisses non loin de là. Doria ne l'avait pas attendu pour monter à bord. Pas âme qui vive à priori....Carlos revenu, il mirent pied sur le pont, et se dirigèrent comme deux ombres vers le menu gaillard d'arrière.
"Chhht...on frappe à la porte, dès qu'elle ouvre, tu lui saute dessus, et tu la bâillonne. Je me charge du reste."
Pénétrant dans la coursive, Doria fonça droit vers la porte sur sa gauche. Une lumière sous la porte....elle ne dormait donc pas....toc toc...
"Qui va là?"
Merdum...
"Missive officielle pour mademoiselle."
L'improvisation avait elle fonctionné? Entrebâillant la porte pour vérifier ses dires, la donzelle n'eut pas loisir de la refermer sur le pied du pirate. Carlos enfonça le tout de l'épaule, la faisant valdinguer sur le cul, et se jeta sur elle. Mais la petite n'était pas sans ressource, et lui décocha un coup de pied monumental en plein dans les valseuses, qui le fit se plier en deux.
"A la..."
"Tout doux beauté, il serait dommage que je doive t'abimer..."
Interrompue par la pointe d'une dague appuyée sur le cou, qui fit perler une goutte de sang, Doria lui sourit.
"Carlos, debout...tu me la saucissonne à la sauce cabestan."
"Au s.."
Betje n'avait pas eu le temps de crier. Une nouvelle fois Doria avait été plus prompt, et la bâillonna de sa main....
"C'est la dernière fois...maintenant tu vas être gentille, sinon je te bâillonne avec ta culotte, et je demande à Carlos de te défourailler ce joli postérieur."
Résignée, Betje n'eut d'autre choix que de se laisser faire, et en deux temps trois mouvements, se retrouva sévèrement ligotée et bâillonnée, par de solides nœuds marins. Vincenzo lui caressa alors la joue, les cheveux, et lui sourit.
"Quelle furie, regardez moi ces yeux. Allez, ne t'inquiète pas, j'ai une sacrée réputation, mais j'ai aussi de bonnes manières, surtout avec les dames. Mais ne trainons pas ici..."
Carlos accrocha ce qui restait de corde à la robuste table de la cabine, pendant que Doria poussait les volets du gaillard d'arrière. Quelques mètres juste en dessous, notre pécheur attendait dans sa coquille de noix.
"On arrive..."
Levant la tête, le rameur approcha l'embarcation. Des voix se firent entendre...certainement du ponton de l'autre côté. Prudent, Doria ne se risqua pas à perdre du temps à farfouiller dans la cabine. Aidant Carlos à passer le seuil du fenestrou, il poussa Betje tant bien que mal sur l'épaule du gros mastard, qui descendit tout doucement le long de la corde. Un instant, Vincenzo se dit que c'était de la folie, et serra les fesses. Si jamais il la lâchait, ou s'écrasait lui même...mais non.... S'élançant à son tour dans le vide, le capitaine descendit en un rien de temps. Des gants, ça pouvait aussi servir à ça tiens!
"Vamos...vers la crique à l'est, ma corvette nous attend."
Calmement et en cadence, par une nuit noire d'encre, le canot s'éloigna avec son précieux butin. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Lun 13 Jan 2014 - 2:30 | |
| - Missive officielle pour Mademoiselle.
Les gratte-parchemins avaient harcelé Betje toute la journée. Elle était exaspérée. Que lui voulaient-ils encore?
Craaaac! Boum!
Projetée violemment au sol, Betje a envoyé par réflexe un coup de pied heureux vers la brute qui se jetait sur elle. Ce sera son seul acte de résistance héroïque. Elle trouvait l'homme au chapeau très persuasif avec sa dague, sans parler des propos sans équivoque au sujet de son propre postérieur.
Betje fixait l'inconnu à la dague pendant que le baraqué entreprenait de la ligoter. Il était le chef, sans aucun doute. Mais qu'est-ce qu'il lui voulait... Pourquoi était-il ici...
Son angoisse augmentait à mesure que se serrait chaque noeud.
Oh! Il devait être envoyé par cet ignoble gouverneur. Betje fut envahie par une sourde colère, mais la caresse de l'homme sur sa joue lui glaça le sang aussitôt.
Elle ferma les yeux et se mit à prier avec une ferveur qu'elle ne se connaissait pas, jusqu'à ce qu'elle soit dans le canot. Il s'écoula plusieurs minutes avant qu'elle ne les rouvrit. Du fond du canot, elle voyait le ciel étoilé. Devant elle, en se tordant le cou, elle distinguait dans le noir un homme qui ramait. L'adrénaline se dissipait et Betje prit conscience qu'elle avait mal partout. Elle se fit la promesse de ne plus jamais approcher d'une porte. Ses liens serrés la faisait un peu moins souffrir.
Derrière elle, un homme s'adressa à voix basse au rameur.
- Faites ce que le capitaine Doria a dit!
Doria. Betje avait soudain du mal à respirer.
Elle était aux mains d'un pirate. Le gouverneur n'y était pour rien. Doria voulait son argent. Elle allait sans doute mourir.
Toutes les histoires qu'elle avait entendues sur les pirates depuis qu'elle était enfant, certaines vraies, certaines saugrenues, se bousculaient dans sa tête. Elle se disait que Doria réussirait facilement à obtenir l'argent en lui coupant un doigt jusqu'à ce qu'elle avoue où elle l'avait caché. Il ne servirait à rien de résister, ni de s'entêter, si elle voulait éviter les pires sévices. Et quand il aurait mis la main sur sa fortune, il la ferait sans doute jeter par-dessus bord, encore saucissonnée et avec une pierre autour du cou.
Betje ne voulait surtout pas mourir noyée. Elle fut prise de nausées et de violents maux de ventre. Mais quelle autre issue pouvait-il exister que la mort, quand on se retrouvait aux mains des pirates?
Betje n'avait jamais rencontré Doria, mais elle avait reçu un pigeon de lui dans le passé. Il lui avait proposé très poliment de livrer des canons aux Sharks en échange d'un sauf-conduit. Elle avait refusé. Peut-être pouvait-elle le persuader qu'elle lui serait plus utile vivante que morte. Mais comment, une fois qu'il aurait son argent? Betje était loin d'être convaincue. Elle n'arriva pas à se raccrocher à un si mince espoir.
Et maintenant elle s'en voulait. Si elle avait résisté davantage à ses agresseurs, peut-être que... si elle avait été plus prudente, peut-être que... Elle se sentait pourtant en sécurité dans sa minuscule cabine, comme dans un cocon, et d'autant plus quand sa barque n'était chargée d'aucune marchandise. Elle se trouvait stupide, tellement stupide. Peut-être aurait-elle dû... Pourquoi n'avait-elle jamais pas pensé à...
Betje crut distinguer au moins un mât dans le ciel étoilé. Des voix discrètes se firent entendre au-dessus d'elle. Ils devaient être arrivés au navire de Doria. |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
Messages : 715 Date d'inscription : 09/01/2012 Age : 43 Localisation : A l'Ouest
Infos Nationalité: ???
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Lun 13 Jan 2014 - 20:06 | |
| Enfin arrivés! Une mer d'huile, un beau ciel étoilé, et la promesse d'un inhabituel tête à tête mirent le pirate aux anges. Le canot arrivant à l'aplomb de la corvette, Vincenzo se leva et héla en dessus:
"Envoie le sac Joseph!"
Aussitôt aussitôt fait.....un sac atterrit dans la barque, relié à une corde.
"Désolé ma belle, je vais être obligé de te fourrer là dedans. Si ça peut te rassurer, c'est pour t'éviter des ennuis pas très catholiques avec mes hommes."
Doria ouvrant le sac de jute, Carlos souleva Betje, et la fourra dedans, avant de refermer celui ci d'un double nœud.
"C'est bon!"
Le précieux colis commença alors son ascension, et l'échelle de corde fut jetée le long de la coque. Le molosse grimpa...mais au dernier moment, accroché à son tour, le Great White se retourna, et pointa droit sa pistole sur le pauvre pêcheur, qui paniqua en sautant à l'eau. Comme la plupart des marins, le pauvre bougre ne sachant pas nager, il coula rapidement à pic....Vincenzo n'ayant même pas à se salir les mains.
Il n'était pas question non plus pour lui de se fatiguer plus que ça. Carlos ayant terminé sa grimpette, ses soudards le hissèrent à bord avec une facilité déconcertante. Lorsque le capitaine fit son apparition sur le pont, les hommes qui avaient hissé le sac à l'aide du petit cabestan l'entouraient à présent, curieux.
"Écartez vous de là les gars...."
"Capitaine..."
Nul à bord n'oserait un jour le défier, il en était intimement persuadé. Non seulement Doria veillait depuis longtemps à entretenir sa réputation, la crainte qu'il inspirait, ou à enchainer victoire sur victoire....mais à présent, il venait de mettre en place à bord son fameux code des Pirates. En adoptant ce texte, chacun avait voix au chapitre pour les affaires les plus importantes. Les piastres étaient mieux partagées, et les règles édictées à bord avaient été établies par les hommes! Rien que ça....une véritable révolution pour l'époque.
Lorsque Vincenzo en avait parlé à Siegfried à table, dans le carré des officiers, ce dernier en avait lâché son verre de surprise. Lui, d'ordinaire si tyrannique, qu'il croyait connaitre si bien? Comment était ce possible? Ce dernier fit son apparition, venant de l'artimon.
"Sieg, tu prend le commandement, je vais être occupé là. Je prendrai le prochain quart. Cap plein est, tu nous met toute la voile possible. On se taille d'ici dare-dare...."
"Bien capitaine."
"Carlos..."
Nul besoin de lui faire un dessin, le sac de jute déjà juché sur l'épaule, qu'il se dirigeait déjà vers le gaillard d'arrière, précédé de son chef.
"Pose là ici....et tu peux demander double ration au coq de ma part, tu l'as pas volé. N'oublie pas, motus et bouche cousue, et tu auras une autre récompense."
"Héhé, merci capitaine."
Il en fallait peu pour faire plaisir à pareil ventre sur patte. Et Doria le savait, la gourmandise coutait moins cher à rassasier que la cupidité. Une fois la porte refermée, notre bonhomme se découvrit de son galurin, ouvrit son coffre à bouteille dans un coin, sortit une bouteille de madère, et libéra la prisonnière de son sac, pour la coucher en travers de sa couche.
"Bienvenue chez moi très chère...."
Percée de plusieurs fenêtres donnant sur la poupe, la large pièce était fort luxueuse. Visiblement notre homme ne se refusait rien. Sur babord...une large couche à baldaquin. Un énorme bureau de style Louis XIV trônait pour sa part au milieu, avec ses deux confortables fauteuils, recouvert de notes, cartes, et instruments de navigation. Un immense placard faisait office de mur côté coursive d'un côté de la porte. De l'autre, une bibliothèque où figurait plusieurs manuels de marine, et recueils historiques. Sur tribord enfin, plusieurs coffres au mystérieux contenu étaient alignés....surmontés d'un splendide baromètre à mercure. La décoration n'était pas en reste, entre les fenestrons, un tableau de maître représentant une bataille navale. Sur le bureau, un chandelier en or massif. Au sol enfin, une superbe tapisserie d'Aubusson. Le tout avait été agencé avec soin, bien fixé pour éviter le drame les jours de tempête.
"Je vais te libérer de ces cordes, mais tu vas mettre ceci sans me faire d'histoire. Au risque de me répéter je tiens pas à t'abimer. Jamais avec les femmes, mais me pousse pas à déroger au peu d'étique qu'il me reste...."
Souriant, Vincenzo vida son verre, puis se dirigea vers le placard, et en sortit des fers pour les poignets et chevilles, reliés entre eux par une lourde chaine. Revenant vers la jeune femme, il lui passa les fers aux chevilles avant de trancher ses liens avec la dague, puis lui intima l'ordre de fermer elle même ceux autour de ses poignets. Satisfait du résultat, il tapota le baromètre, l'observa quelques instants, et vint se rassoir..."
"Tu as soif je suppose. Bois, à la santé de l'espagnol qui l'a payé de sa modeste barque longue...."
Lui tendant un verre plein...
"Tu m'as l'air terrifiée, détend toi...je compte pas te tuer. Du moins si tu es sage. Dis toi que si j'avais voulu le faire, ce serait déjà fait. Avant que tu me pose des questions, voici les règles. Écoute moi bien, je me répèterai pas. Ici c'est moi qui commande, tu l'apprendra vite. J'aime à être obéit promptement, donc sois docile, et il ne t'en cuira point. Ensuite...tu reste dans cette pièce jusqu'à nouvel ordre. Si tu sors attifée comme ça, mon équipage te violera, tu t'en doute bien.... Tu es libre de lire les livres, de te reposer, te restaurer autant que tu veux ici. J'ai quelques frusques de damoiselle dans ce placard, mais tu peux aussi t'habiller à la garçonne si tu veux. Trois repas par jour...et les commodités c'est dans la porcelaine juste là. Des questions? Je suis toute ouïe...."
Sortant sa blague à tabac, Doria mit les pieds sur la table et commença à bourrer sa pipe. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Mer 15 Jan 2014 - 3:33 | |
| Betje s'avança vers le bureau à la manière d'un pingouin. Elle prit à deux mains le verre de Madère que lui tendait Doria. Elle tremblait.
Elle n'arriva pas à boire en se tenant debout. La chaîne, reliant les fers de ses poignets à ceux de ses chevilles, l'empêchait de lever les bras plus haut que la taille. Elle s'assit donc dans le fauteuil à côté du bureau, mais dû encore se pencher vers l'avant afin de finalement porter le verre à ses lèvres. Elle eut l'impression que c'était le meilleur vin de liqueur auquel elle avait goûté de toute sa vie.
Doria lui expliquait qui était le patron. Rien d'anormal quand on séquestre quelqu'un. Betje fut toutefois déconcertée quand il lui demanda si elle avait des questions. Les questions, elle s'attendait à ce que ce soit lui qui les pose. Des questions simples et directes de pirates, comme par exemple « où caches-tu ton argent? Avoue! ».
Peut-être existait-il de la canaille plus raffinée? Elle se demanda si Doria n'était pas en train de s'amuser avec elle, de jouer à un petit jeu sadique. Elle trouva la force de s'en réjouir un peu, car elle préférait le divertir que de se faire maintenir la tête sous l'eau, dans un seau.
Betje resta silencieuse pendant plusieurs secondes avant de poser une question. Elle en avait des dizaines en tête, mais n'avait pas envie d'entendre les réponses. Encore penchée sur son verre, Betje leva les yeux vers Doria. Il était en train de bourrer sa pipe. Du regard, il lui ordonnait presque de poser une question.
- Que puis-je pour vous, capitaine Doria?, lui demanda-t-elle.
Elle enchaîna :
- Je connais la route et les habitudes de tous les capitaines marchands de la région, Je vais vous les livrer.
Ce n'était certainement pas assez pour rester en vie bien longtemps. Elle ajouta :
- Nous sommes au carrefour des voies maritimes entre le Nouveau et l'Ancien Monde, vous le savez, et moi je connais chacun des innombrables îlots, les criques, les chenaux, les anses cachées de la région... je sais où se trouvent les récifs, les bancs de sable... je connais les courants, et le caprice des vents... vous savez que je dis vrai, car vos pirates m'ont pourchassée en vain durant des semaines... il n'existe sans doute pas de terreau plus fertile pour la piraterie, et moi je peux vous aider à en tirer le meilleur parti. Je peux vous rendre encore plus riche.
Betje s'arrêta, car on racontait que des pirates avaient déjà cousu les lèvres d'un capitaine avec du fil et une aiguille à voile. Ils trouvaient qu'il parlait trop.
On frappa à la porte avant que Doria n'ait eu la moindre réaction. Il se leva, échangea quelques paroles avec une autre personne à travers la porte, et sortit de la cabine. Betje l'entendait encore parler. Il devait se tenir juste derrière.
Les yeux de Betje vinrent se poser sur le chandelier en or massif qui se trouvait sur le bureau. Elle se leva lentement, puis déposa son verre à côté, tant bien que mal. Il était encore à moitié plein, mais c'était comme si le vin lui avait donné un peu de courage. Elle empoigna le chandelier. Il était lourd.
Elle hésita quelques secondes, puis le reposa sur le bureau. Betje était incapable de lever les bras assez haut, à cause de ses chaînes, pour assommer Doria quand il rentrerait dans la cabine. Et surtout, elle n'avait nulle part où aller ensuite. Elle avait le choix entre sauter à la mer par une fenêtre, ou se retrouver sur un pont grouillant de pirates. Ils ne lui offriraient pas un verre de Madère.
Elle croyait toujours que Doria allait la tuer quand il aurait mis la main sur son argent. Elle décida de se tenir tranquille pour s'épargner des sévices, mais elle observerait Doria. Elle l'écouterait. Quand elle serait seule, elle fouillerait sa cabine de fond en comble. Tout être humain avait un penchant que l'on pouvait parfois exploiter: la cupidité, la vantardise, la soif de pouvoir, peu importe. Doria devait en avoir lui aussi. Elle espérait en fait qu'il en avait plusieurs, et aussi qu'elle aurait le temps de les découvrir.
Elle entendit la porte s'ouvrir derrière elle et se rassit précipitamment sur le fauteuil. Doria revenait.
Betje inspira et lui posa de nouveau sa question, pendant qu'il reprenait sa pipe en remettant ses pieds sur le bureau :
- Dites-moi, capitaine Doria, que puis-je pour vous? |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Mer 15 Jan 2014 - 17:14 | |
| Vincenzo la laissa mariner un moment. Parfois un long silence valait mieux que les plus menaçantes paroles. Et là voilà qui se mettait à table toute seule, lui proposant des choses très intéressantes au demeurant..... Les habitudes des marchands du coin, voilà qui valait son pesant de cacahuètes. Doria aimait à se targuer d'avoir le plus tableau de chasse des Caraïbes, alors il ne cracherait pas sur de telles informations. Pour ce qui était des Bahammas, il les connaissait bien sur, mais à coup sur pas aussi bien que la gente damoiselle, lui , le natif d'Hispaniola. A bien y réfléchir, au vu de ses nouveaux projets, ces connaissances là pourraient s'avérer également très intéressantes. Le capitaine allait répondre, mais lorsqu'on tambourina à la porte, il tonna pour toute réponse:
"Que pasa?"
"C'est moi capitaine, Carlos"
Doria se faufila à l’extérieur, et referma la porte:
"Vous dînerez dans le carré des officiers?"
"Non, dans ma cabine, aux chandelles avec ma damoiselle, après mon quart. Assure toi que le maître coq ne pose pas trop de questions sur le pourquoi du comment."
"J'le cogne?"
"Mais non triple mouette. Dis y que le capitaine lui en sera reconnaissant, ça suffira. Et qu'il me prépare son meilleur menu."
Le grand dadais s'éloignait déjà lorsque le pirate l’interpella.
"J'allai oublier....Carlos....dis au quartier maître que tu es dispensé de ton quart dorénavant. Si Zack te fait des histoires, tu me l'envoies. Quant à toi, je te veux comme garde en faction nuit et jour dans ma coursive, capiche?"
"Oui capitaine."
Le Great White refit son entrée dans la cabine. Marquant un instant d'hésitation, il toisa Betje d'un air suspect. Il aurait mis sa main au feu qu'il n'y avait pas deux secondes, elle était toute occupée à autre chose. Aussi lorsque cette dernière posa sa question, il fut pris d'une violente quinte de toux tout en allumant sa pipe, mais lui répondit tout de même du tac au tac:
"Beaucoup de choses ma demoiselle, mais pour commencer, ne pas me prendre pour une truffe. Je sais pas ce que tu foutais à l'instant, mais take care comme dirait Walter. Ce joli derrière, faudrait pas que l'envie me prenne de le zébrer au fouet, vu? A moins que tu aimes ça?"
Un sourire malicieux ponctua la remarque acerbe du geôlier, qui reprit avec sérieux, soufflant de larges ronds de fumée:
"Ce que tu me propose pour commencer, c'est très bien. J'en prend note, tu peux me croire...mais tu vas avoir l'occasion de me prouver ta bonne foi en consignant tout ça par écrit. Je veux aussi savoir comment tu as battit cette fortune. Quelles marchandises, quelle route, quel systême....j'imagine bien que c'est dans les Bahammas. Ca me rappelle quand Piotr a vu ta barque longue une nuit. Faudra d'ailleurs que je lui annonce la nouvelle, j'imagine déjà sa trogne..... Mais tu te demande surement, même si tu as pas posé la question, si j'en veux à ton argent, n'est ce pas?"
Betje hocha la tête, et Vincenzo enchaîna:
"Accumuler une grande fortune, chez les pirates on en rêve tous. Tu as pu le constater, je suis aussi un homme de gout. J'aime l'art, la bonne chère, l'instruction.... Tout ça, les piastres me l'ont donné sans forcer...mais en avoir plus que ce que j'ai déjà aujourd'hui, à part pour me retirer comme hidalgo avec une dizaine de châteaux en Espagne, je vois pas bien à quoi ça me servirait. Vu mon statut actuel, de toute façon je me fais aucune illusion, c'est tout bonnement impossible. Et puis, j'aime le luxe, mais quand ça devient outrancier, ostentatoire, c'est trop. Bref, tes piastres.... ils m'intéressent, mais pas comme tu le pense....tu verras."
Se servant un nouveau verre de madère, qu'il descendit cul sec, Doria se leva:
"J'ai du travail, tu as ce qu'il faut sur le bureau pour commencer à me consigner tout ça. Je vérifierai tes dires, prend garde à toi. Mais rien ne presse non plus, tu peux aussi lire, dormir....te changer pour m'être encore plus charmante. Carlos te portera un bac pour tes ablutions. Nous dînerons ensemble à la fin de mon quart."
Doria lui sourit, se leva, et lui fit la plus belle des révérences, agrémentée d'un magnifique baise main. Lui jetant les clés des fers, il lui lança avant de disparaitre:
"Allez, je suis bon prince...."
Un cliquetis de serrure lui signifia qu'elle était enfermée à clé.... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Jeu 16 Jan 2014 - 20:43 | |
| Betje prit la clé des fers par terre et se libéra. Elle était soulagée d'avoir obtenu un sursis, et encouragée que Doria semblait baisser la garde.
Le dîner annoncé avec le pirate constituait maintenant le plus grand péril auquel Betje devait faire face. C'est du moins ce qu'elle croyait. Toutes ces remarques grivoises au sujet de son postérieur ne lui inspiraient rien de bon.
Elle était affolée par la possibilité que Doria, ou n'importe quel homme d'ailleurs, lui fasse des avances. Pour se calmer, elle reprit son verre de Madère et bu ce qu'il restait d'un trait. C'est alors qu'elle eût l'idée de son premier acte de résistance passive : elle ne se changera pas. Elle jeta un regard sur sa robe et remarqua pour la première fois qu'elle était sale et abîmée. Elle supposa aussi que ses cheveux étaient en bataille. Si c'était le prix pour garder Doria à une distance respectable de sa personne, elle resterait dans cet état et ne se laverait pas pendant deux semaines. Elle espérait ne pas être obligée de le séduire non plus. Du reste, elle ne savait pas comment s'y prendre.
Betje décida prudemment de masquer sa résistance dans le domaine du charme en montrant sa coopération ailleurs. Elle fit le tour du bureau et alla s'asseoir à la place que Doria occupait quelques minutes auparavant. Elle approcha l'encrier. C'est sans états d'âme qu'elle se mit à consigner des renseignements sur les activités d'un premier capitaine marchand de la région. Elle en fit autant avec un fournisseur attitré du gouverneur, puis avec un marchand misogyne qu'elle détestait.
Il ne lui en coûtait rien de condamner ces hommes à une rencontre funeste avec des pirates. Au contraire, ce se serait bon pour les affaires d'éliminer quelques concurrents. Elle n'avait aucune envie, cependant, de révéler ses secrets de commerce à Doria comme il l'exigeait. Betje reposa la plume. Elle jugea sa courte liste suffisante pour gagner du temps et satisfaire le pirate, du moins dans un premier temps.
Soudain, Betje eut comme un malaise et fut prise de tournis. Rien d'étonnant considérant le choc de l'enlèvement et sa consommation inhabituelle de madère. Elle jeta un rapide coup d'oeil vers la couche à baldaquin, mais décida qu'il valait mieux rester à l'écart de cet endroit aussi inquiétant que compromettant. Elle posa ses bras sur le bureau et ensuite sa tête. Elle sombra presque aussitôt dans un sommeil semi-comateux.
Elle n'entendit pas Carlos entrer quand il lui apporta de l'eau chaude pour sa laver. C'est plutôt l'odeur de la nourriture qui la tira du sommeil quelques heures plus tard.
- Doria? Tenez, j'ai commencé une liste, articula-t-elle lentement, avant d'avoir ouvert complètement les yeux.
- Que voulez-vous dire, que mes piastres vous intéressent, mais pas de le manière dont je pense... vous aimeriez un prêt?, ajouta-t-elle sans grand espoir ni conviction. |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Ven 17 Jan 2014 - 16:38 | |
| Doria jeta négligemment son chapeau dans un coin en entrant dans la cabine tout en ignorant la question. Se saisissant du papier, il dit comme pour lui même....
"Bien, très bien ça....c'est un bon début, nous allons l'exploiter sans tarder."
Levant les yeux vers Betje, le capitaine fronça néanmoins les sourcils en voyant le bac rempli d'eau délaissé dans un coin:
"J'aurai du dire à Carlos de t'y fourrer à poil de force tiens. C'est ici que je vis, je ne tolérerai pas une souillon à mes côtés, c'est clair? Après dîner tu te laveras, à l'eau froide puisque c'est ainsi...."
Haussant les épaules de dépit, le pirate poursuivit:
"Que tu aies peur de moi et que tu te méfie, je le conçois, mais la peur t'aveugle, comme les moutons de panurge de ce cher Rabelais. Réfléchis. Si j'avais voulu te violer ou te tuer, crois tu que j'aurai enfilé ces jolis gants en dentelle pour ce faire? Si je t'ai proposé des jolies robes de dame, c'est pour qu'il t'agrée, autant que pour mon bon plaisir. Tu es belle, alors fais honneur à ce que la nature t'a offert. Et puis je suppose que tu ne dois pas souvent avoir l'occasion qu'on te le demande dans les indes occidentales, n'est ce pas? Enfin bon, je t'ai laissé le choix, ma garde robe à la garçonne est bien plus fournie. Tu as tous les atours possibles et imaginables pour faire de toi un joli damoiseau, maquillage compris. Pourquoi crois tu que je te propose ceci? C'est pour te laisser circuler sur ma corvette, lorsque nous sommes en mer. Bien sur ce serait toujours en mon auguste compagnie, mais pour l'instant, dis toi juste que c'est pour ne pas te garder à terme comme prisonnière....."
Carlos fit son apparition avec les couverts, mit la table avec soin, puis revint avec un pot à eau, une miche de pain, et une grosse friture de petits poissons bien grillés. Invitant de prime abord sa convive à prendre place en tirant son fauteuil, Doria lui fit face, puis aborda un premier sujet tout en la servant copieusement:
"Avant d'entrer dans des considérations plus philosophiques, dis moi un peu Betje Koemans, qu'est ce qui t'a poussé à devenir marchande? Enfin je veux dire capitaine....ces femmes qui bravent l'interdit et la superstition m'ont toujours fasciné. Dis moi un peu qui tu es, je suis curieux. Et puis pendant que tu y es tu me diras aussi comment tu me vois. J'ai toujours adoré les rumeurs de comptoir des nationalistes, mais les bataves, c'est ceux que je connais le moins....je t'écoute...."
Dégustant à son tour tranquillement les poissons, le capitaine attendait les réponses de l'intéressée... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Sam 18 Jan 2014 - 3:02 | |
| Betje avait envie de crier quelque chose comme :
« Souillon? si tu ne voulais pas que j'aie l'air d'une souillon, odieuse vermine, il ne fallait pas me ligoter, me jeter dans un canot, et ensuite dans un sac. Raccompagne-moi à ma barque si tu n'es pas content! »
Elle s'auto-censura de manière draconienne et répondit plutôt :
- Oui, je me laverai et je me changerai. Je me suis endormie.
Betje comprenait qu'elle ne gagnerait pas cette bataille. S'habiller en garçon lui permettrait tout de même de continuer sa résistance passive dans le domaine du charme. De plus, elle était alléchée par la perspective de sortir de la cabine. Elle y trouverait peut-être des occasions de s'évader ou des objets utiles, qui sait. Betje s'habillait toujours en femme parce qu'elle dissimulait une fortune en pierres précieuses à l'intérieur de ses jupons. Elle n'aurait d'autre choix que de cacher son trésor dans la cabine de Doria, avant de se changer.
Quand ce dernier lui demanda pourquoi elle était devenue capitaine, Betje s'auto-censura beaucoup moins. Elle ne détestait pas qu'on s'intéresse à elle.
- Je suis devenue capitaine marchand parce que mon père l'était. J'ai passé beaucoup de temps sur son navire quand j'étais enfant, étant orpheline de mère. Je connais la région par coeur, je suis douée et... je ne me connais aucun autre talent, à vrai dire.
Mon père ne voulait pas me léguer son affaire, mais j'ai réussi à le convaincre et il ne pouvait nier mon aptitude. Il a voulu longtemps me marier avec un de ses officiers dont il aurait fait son successeur. Il disait souhaiter une vie plus facile pour moi. Mais je voulais naviguer, et une mère ne peut pas naviguer.
Je n'avais aucun ascendant sur l'équipage, évidemment. Si j'ai pu m'imposer, c'est grâce à l'aide de ce prétendant qui espérait encore, et à un autre officier qui se sentait une grande dette envers mon père. Papa avait bien raison en ce sens, ce ne fut pas facile parce que je suis une femme.
Aujourd'hui on se bouscule pour faire partie de mon équipage. Je paie mieux que quiconque, bien entendu, mais on dit aussi que je porte chance. Parce que je réussis à éviter les pira... gens comme vous. Eh oui, on dit que je porte chance en mer, imaginez...
Ne souhaitant pas donner à Doria d'autres raisons pour la séquestrer sur son navire, Betje changea rapidement de sujet.
- Bon, en ce qui concerne ce qu'on raconte à propos de vous dans la région...
Betje recommença à s'auto-censurer, avec plus ou moins de succès.
- J'ai entendu que vous étiez sanguinaire, tyrannique, impitoyable... la même chose que l'on raconte à propos des pirates.... non, pas la même chose, on répète que vous l'êtes davantage que les autres.... Bref, comme les autres, mais pas comme les autres.
Si Betje avait été franche, elle aurait dit à Doria que les pirates n'étaient que de vulgaires criminels, et que le monde se porterait beaucoup mieux quand ils seraient tous pendus. C'est ce que les honnêtes gens pensaient de lui et des autres pirates. Betje était entièrement d'accord. |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Dim 19 Jan 2014 - 17:48 | |
| Le pirate se prit au jeu de la conversation, et lui répondit:
"Il est vrai que nous sommes souvent ce que nôtre éducation a fait de nous. L'avons dans le sang? Est ce inné? Platon et Descartes le prétendant si je ne m'abuse, mais je ne suis pas convaincu. L’apprenons nous, en singeant nos parents? Un peu des deux si vous voulez mon avis...."
Vincenzo sortit un piastre, et commença à jouer avec sur le dos de ses doigts avec une étonnante dextérité:
"Tu parles d'absence de talent....je ne te crois pas une seule seconde. Tout le monde est doué pour quelque chose, des plus infimes et insignifiants dons, aux plus utiles soient ils. Le tout c'est les découvrir, et de les cultiver ensuite....le tiens n'est il pas dans les mathématiques? Dans le négoce? Dans le courage dans ce monde d'hommes?
Quant à moi, la plèbe dit vrai d'un certain côté. J'ai un certain talent pour la rapine, le meurtre, ou la violence. "La loi du plus fort est toujours la meilleure", voilà une morale de la Fontaine qui me sied à merveille.....mais je serai plus du genre Nicolas Machiavel. Si on me présente volontiers comme un homme cynique dépourvu d’idéal, de tout sens moral et d’honnêteté...ce n'est qu'une image, que j'ai souvent cultivée moi même pour ne laisser paraitre aucune faiblesse, et prendre l'ascendant psychologique par la crainte sur mes soudards, comme sur mes adversaires."
Doria s'épousseta les lèvres avec sa serviette, et reprit:
"Il n'y a en qu'un pas du corsaire au pirate. Tous deux combattent pour l'amour du butin, seulement le dernier est le plus brave, puisqu'il affronte à la fois l'ennemi et le gibet. Je connais un pirate qui aurait rajouté en son temps: "Ils nous dénigrent, les escrocs nous dénigrent, alors qu'il n'y a qu'une différence, ils volent les pauvres sous couvert de la loi, alors que nous volons les riches sous la seule protection de notre courage". La voilà la vérité très chère....plaisante ou pas."
Le pirate se leva de sa chaise, et alla camper devant sa bibliothèque, soucieux, à la recherche d'un ouvrage précis. Cela lui avait couté cher de se procurer de tels ouvrages, même s'il avait eu la chance de s'en procurer plusieurs en dévalisant un érudit capitaine français. Entre L'art de la guerre de Sun Tzu, et La Bible éditée de Gutenberg, on trouvait un exemplaire original des 95 thèses de Luther, et l' Institutio Christianae Religionis de Calvin. Pirate oui, mais pas dépourvu d'éducation religieuse. Les philosophes antiques n'étaient pas en reste, avec La Republique de Platon, Politique d'Aristote, l'Iliade et l'Odyssée d' Homère, et De Republica de Cicéron. La préférence de Doria allait néanmoins aux auteurs du siècle dernier. Pantagruel, Gargantua, et Le Tiers Livre de Rabelais étaient pour lui de véritables références. Juste à côté, tronaient les Essais de Montaigne, Le Prince de Machiavel, L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Mancha de Cervantès. Enfin, sur le bas de l'étagère, les Fables de La Fontaine, Les Provinciales de Pascal, MacBeth et Hamlet de Shakespeare, et le Discours de la Méthode de Descartes... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'amour de l'argent Mar 21 Jan 2014 - 5:18 | |
| Betje écoutait Doria en grignotant un morceau de pain. Elle n'avait pas très faim.
Il était en train d'affirmer que peu de choses séparaient le pirate du corsaire. Betje fit oui de la tête et tenta de l'amadouer.
- Vous n'avez pas tort, capitaine Doria. Tous les corsaires sont des spoliateurs à mes yeux. Je parle de ceux qui sont au service de la France et de l'Espagne, bien sûr, mais je crains désormais les corsaires anglais et bataves. Je n'ai jamais pu compter sur ces derniers pour me protéger. Je suis maintenant persuadée que certains s'en prendraient à ma barque peu importe mon pavillon : parce qu'ils savent que je suis riche, donc par appât du gain, ou alors sur l'ordre d'un de ces gouverneurs qui me traitent en paria. Je n'ai plus confiance en qui que ce soit, seulement en mon équipage.
Par ailleurs, je vais vous faire un aveu. Je n'aurais pas réussi aussi bien en affaires sans vous. Je veux dire... quand la région est envahie par les pirates, les capitaines marchands restent au port ou alors désertent la région. Les autres sont abordés. Des pénuries ont vite fait de se déclarer, ce qui fait grimper les prix. Le capitaine marchand qui prend le risque de naviguer réalise des affaires d'or, à condition d'être assez habile pour éviter les pirates comme vous. Vous vouliez connaître le secret de ma réussite dans le commerce... c'est en grande partie parce que vous avez semé la terreur dans la région, jadis.
Betje n'alla pas jusqu'à déclarer qu'elle se sentait une dette envers Doria, ce qui friserait la flagornerie. Elle espérait cependant que ses propos allaient lui plaire, et qu'il y réagirait favorablement. Mais le pirate faisait face à sa bibliothèque. Il semblait y chercher un ouvrage.
Betje était intriguée par la simple présence d'une bibliothèque dans la cabine d'un pirate.
- Dites-moi Doria.... vous... avez lu tous ces livres?
Il revenait vers elle, avec les Essais de Montaigne dans une main. |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Ven 24 Jan 2014 - 16:10 | |
| Doria lui répondit d'un air distrait....
"Avoir un parchemin qui rend la rapine légale, car la seule différence elle est bien là, tu ne trouve pas que c'est une foutue hypocrisie? Cette paperasse que nous n'avons pas, nous rend elle plus mauvais, voleurs, méchants que les corsaires? Il faut être d'une sacrée mauvaise foi pour affirmer le contraire. Surtout que la rapine des corsaires ne profite essentiellement qu'à les engraisser pour en faire de beaux petits bourgeois, ainsi que leur roi, bien assis sur son auguste trône. C'est vrai que ceux là..ils sont dans le besoin, n'est ce pas?"
Haussant les épaules avec ironie, le capitaine rajouta:
"Devoir rendre des comptes à un monarque à des milliers de miles de là, ça m'a toujours laissé pantois. Un jour, les consciences s’éveilleront, et ils n'auront plus que leurs yeux pour pleurer"
Vincenzo se tourna alors elle, livre à la main et vint se rassoir:
"L’appât du gain c'est ce qui les motive tous, du plus triste mendiant au plus grand des rois. Et l'argent est le nerf de la guerre....cette citation n'est pas de moi, mais de Cicéron, sénateur romain. C'est dire si ça date. Comble de malchance pour toi, tu es une femme dans ce monde réservé aux hommes, et tu as réussit là où la plupart ont lamentablement échoué. Leur réaction ne m'étonne guère, le propre de l'homme qui n'a jamais voulu considérer la femme comme son égal."
Un franc sourire illumina le visage de Doria, qui se resservit un verre de vin:
"En revanche j'avais pas envisagé le fait que j'ai été l'artisan de ta prospérité, moi et les amis Sharks. Mais c'est logique, la loi de la nature. Les plus faibles sont éliminés, les plus forts survivent et profitent du vide qui leur est laissé. Tant mieux pour toi, tu as su te montrer opportuniste."
Le capitaine ouvrit les Essais de Montaigne, et le feuilleta tout en poursuivant:
"Bien sur que j'ai lu tous ces livres. Surprise hein...... Je n'ai pas toujours le temps que je voudrais pour me consacrer à leur étude, mais je fais mon possible pour m'abreuver régulièrement de ces trésors. Le pouvoir des mots est grand, il donne la connaissance. Et crois moi, la connaissance, c'est parfois une arme bien plus tranchante qu'un acier de Tolède."
Enfin, le pirate ouvrit l'ouvrage à une page précise, et le tendit à son interlocutrice:
"J'aime ce livre. C'est l'histoire d'une vie, d'un homme qui s'est intéressé tour à tour à la médecine, aux livres, aux affaires domestiques, aux chevaux, à la maladie. On y trouve des réflexions tantôt sur des choses futiles, tantôt sur des sujets très profonds. Il s'inspire des philosophes antiques pour nous dire un peu de tout ce qui fait qu'un homme est un homme.....mais bien sur, l’obscurantisme ambiant traite cette œuvre d'hérétique. C'est triste.
Tiens, lis ce passage, tu en auras l'occasion....."
http://www.bribes.org/trismegiste/es1ch42.htm
"Mmmmmm....je me tâte à te révéler en quoi tes piastres m'intéressent. J'aime parfois à susciter un brin de frustration, pour plus de plaisir ensuite. Qu'en penses tu?" |
| | | Vincenzo Doria Quartier maître
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| Sujet: Re: L'amour de l'argent Mar 11 Fév 2014 - 22:24 | |
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