Trois semaines pleines que Centaure, le brick du Diable rouge est amarré au quai de Cayes Mugeres.
Les hommes ont pour la plupart déjà depuis belle lurette dilapidé leurs parts de prises et tous ont à présent grand hâte qu’on soit enfin sous voiles.
Certains ont même gagé où vendu à vil prix leurs effets pour s’offrir encore quelque boujarons de mauvais tafia qu’on accepte encore de leur servir dans les cabarets les moins achalandés.
Le capitaine Bertrick lui, a été tout ce temps l’hôte du sieur Dumaine, un riche planteur, qui en sus du gîte, devait le régaler des mets les plus raffinés et des vins les plus fins pour s’acquitter d’une dette de jeu contractée dans une partie de tri-trac le lendemain même de l’arrivée de Bertrick dans ce port franc.
L’épouse et la fille, tombées sous le charme de cet invité picaresque, le régalaient de faveurs bien plus voluptueuses, à l’insu bien sûr l’une de l’autre, comme va s’en dire aussi, à l’insu de leur époux et père.
Les trois semaines, terme de la dette, étaient à présent échues et Bertrick prit congé au grand dam de la gent féminine sinon de son hôte a qui l’affaire commençait à coûter fort chère - les cornes non comprises - car le capitaine mangeait et buvait comme Gargantua et Pantagruel conviés à la même table.
A peine le Diable rouge eut-il rallié son bord qu’il ordonna qu’on pris les dispositions pour l’appareillage.
Sous un ciel gris sale, et plus encore dans l’est où le noir dominait tout zébré d’éclairs et où grondait le tonnerre, Centaure tailla bientôt sa route au près bon plein, tribord amures à la plus grande satisfaction de la compagnie.
Les Isles des Deux Frères reconnues droit devant. De la grand hune, le cri de la vigie brise la torpeur de l’après midi :
- Voiles en vue ! Deux voiles par tribord arrière !
Une couple de sabliers plus tard, les coques des deux inconnus sont visibles.
- Ce sont des nôtres ! Le plus grand arbore le "Jolly Roger".
Ce sont en effet les trois mâts des capitaines Jeremiah Breeg et Ian Muircath.
Retrouvailles joyeuses et quelques bouteilles de tafia plus tard, on décident d’un commun accord de faire route le lendemain pour aller reconnaître Les Jardins de la Reyne pour complaire à Jeremiah qu’il avoue n’avoir jamais reconnu encore malgré le nombre d’année qu’il sévit en ces eaux.