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| Civilisation au coeur de la barbarie | |
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Tremayne Crow Quartier maître
Messages : 241 Date d'inscription : 19/10/2011
Infos Nationalité: Espagnol
| Sujet: Civilisation au coeur de la barbarie Sam 18 Jan 2014 - 15:59 | |
| La Habana, citadelle d'El Morro.
Cristobal Rodriguez de Buenaventura, adjoint du gouverneur, se leva de son bureau et regarda le port par la fenêtre. Le crépuscule faisait flotter dans les voiles une robe cuivrée. Trop peu de voiles. Il inspira profondément, toujours face à la fenêtre, et dos à son interlocuteur. << Si je comprends bien, senor Esperanzo, votre projet de financer une flotte de guerre permanente basée à Cuba ne tient plus ? - Disons plutôt que mon tour du nouveau monde m'a fait analyser la situation sous un œil... plus averti. Nos commerces sont actuellement en difficulté, à cause de l'émergence d'un grand nombre de pirates. Mais j'ai relevé la présence de plus en plus inquiétante de nombreux rebelles hollandais et de leurs protecteurs britanniques, et vous savez aussi bien que moi que nous n'avons pas des forces assez puissantes pour lutter sur ces deux fronts à la fois. - Que suggérez-vous alors Esperanzo ? Pas de pactiser avec l'ennemi tout de même ? - Certainement pas Cristobal. Mais il nous faut observer quelques détails intéressants. La majorité des pirates qui croisent dans nos eaux sont d'origine française, hollandaise ou britannique, quasiment jamais espagnole. Ils nous détestent car nous sommes espagnoles, mais la haine qu'ils vouent à leurs anciennes allégeances s'appuie sur des motifs bien justes et profonds que cela. En jouant sur ces raisons, nous pourrons les amener à traquer en priorité cette menace pour l'empire que constituent les marchands hollandais et britanniques. En poussant nos ennemis à s'entretuer et en maintenant leur division, nous pourrons assurer le maintien de notre suprématie dans les caraïbes. - Tout cela me paraît parfait, mais comment comptez vous accomplir un tel exploit Esperanzo ? - Les malandrins sont faciles à acheter mi amigo. Je connais de nombreuses voies utilisées des commerçants étrangers ; il me suffira de simplifier la tâche des pirates contre nos ennemis, tout en garantissant quelques avantages substantiels à ceux qui se montreront plus pacifique à notre endroit. - Je ne suis pas convaincu que le gouverneur accepte de verser la moindre piastre pour des assassins. - Cela ne sera pas nécessaire. Si les choses se déroulent comme je l'avais prévu, les rapines de la piraterie serviront bientôt à apporter la civilisation au nouveau monde, et non plus à ralentir notre développement. - Puissiez-vous ne pas vous tromper, senor de Carvagio ! Je vous souhaite la bonne aventure dans votre entreprise. - Merci à vous de me donner la bénédiction du gouverneur, senor de Buenaventura. >> Le senor Esperanzo Miguel Carvagio de Carvagio prit congé de son hôte, assuré du soutien qu'il attendait par sa seule parole d'homme d'honneur.
Ses pas le guidèrent rapidement vers le port, où sa corvette l'attendait. Devant le quai, son premier lieutenant guettait comme toujours le retour de son maître. << Manoel, comment se porte notre réserve ? - La cargaison se conserve parfaitement senor, et aucun homme n'a tenté d'y toucher. - Encore heureux ! Qu'un seul y touche et je le fais jeter par-dessus bord. - Je le leur ai déjà fait savoir, senor. - Toujours prévoyant mon bon manoel. Dis leur que nous partons. - Puis-je m'enquérir de notre destination, senor ? - Florida key's, mais ne leur annonce pas tout de suite. Voyant son officier blêmir, Esperanzo reprit, Nous y allons pour affaire et il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Tu devrais avoir appris à te fier à ton commandant depuis le temps. Va Manoel ! - Pardonnez moi senor, j'y vais tout de suite. >>
Le commandant se rendit dans sa cabine du château arrière sans se préoccuper de l'équipage et s'assit à son bureau. Il sortit sortit d'un tiroir une pipe et toute une liste d'offres de vente. D'un autre, du tabac havanais et un compte-rendu des affaires du domaine de Carvagio. Après une première inspiration, il se mit à écrire. |
| | | Tremayne Crow Quartier maître
Messages : 241 Date d'inscription : 19/10/2011
Infos Nationalité: Espagnol
| Sujet: Re: Civilisation au coeur de la barbarie Ven 24 Jan 2014 - 18:20 | |
| Florida Keys.
Esperanzo se tenait au bastingage. Après s'être donné une contenance, il prit une profonde inspiration et descendit vers le repaire putride des pirates. Ses hommes restaient tous à bord du navire, si apeurés qu'aucun ne prendrait sans doute de bon temps sur place. Sans doute cela n'était-il pas plus mal, leur capitaine avait prévenu son monde que si quelqu'un s'avisait de ramener une maladie honteuse à bord, il finirait le voyage à la nage.
La grande expérience du capitaine lui permit rapidement de se frayer un chemin à travers les tavernes pour trouver l'homme qui l'intéressait. Il esquiva un homme trop aviné pour marcher droit, puis en fit s'effondrer un autre afin de ramasser sa chaise. Il reposa celle-ci à l'extrémité d'une table. À l'autre bout se tenait un homme au chapeau démesurément grand et au verre désespérément vide.
<< Bonsoir capitaine ! C'est un plaisir de vous voir. Permettez moi de vous offrir cette bouteille de Tequila en provenance directe du Mexique. L'homme regarda son verre se remplir sans se départir d'un œil torve. - Qui es-tu l'espagnol ? - Je suis le capitaine Esperanzo Miguel Carvagio de Carvagio. Mais seul mon premier nom t'intéresse amigo, car c'est ce que je représente pour toi. - J'ai l'air d'avoir besoin de quelque chose ? - D'après ce qu'on m'a dit, tes marchandises n'auraient pas trouvées preneur. Il est malheureux que les commerçants n'aient plus grand chose à faire des biens que vous leur rapportez par chargement entiers, tout cela parce que leurs entrepôts en sont déjà pleins. - Où veux-tu en venir, l'espagnol ? - C'est très simple en fait. Je viens pour négocier un arrangement mutuellement profitable. Comme vous l'avez remarqué capitaine, je suis espagnole. Or, je suis ici pour faire du commerce, et pas pour me faire détrousser. De votre côté, vous êtes un pirate, et vous avez besoin de vendre vos prises. - Tu veux racheter ma dernière prise ? - Je veux beaucoup plus que cela mon cher. De mon côté, je m'assure que vous puissiez écouler vos prises ; du votre, vous vous assurez que ma navigation en ces eaux se fera sans subir d'acte de piraterie. - Si vous trimballez ce qu'on ne peut pas écouler en même temps, on ne va pas s'emmerder avec vous ! - C'est exactement cela cher ami. Mais j'ai d'autres sujets plus importants. Vous avez combattu pour l'Angleterre pendant des années, capitaine William, contre les ennemis de celle-ci. Aujourd'hui, après vous avoir abandonné, après avoir oublié des années de bons et loyaux services, après vous avoir renié, la voilà, cette fieffée Angleterre, qui s'allie avec ceux que vous affrontiez en son nom afin de vous traquer et de vous faire pendre à un arbre. - Je les attends de pieds ferme ! Foi d'moi, l'abattrai comme un chien le premier bâtard de vendu qui essaiera de m'avoir ! - Je n'en attends pas moins de vous. Voyez vous, mon honneur m'interdit de m'attaquer à eux du fait de la trêve officiellement déclarée, mais vous n'avez vous-même nulle raison de respecter cette trêve. Je vous fournirai les itinéraires des routes commerciales anglaises et hollandaises que je connais, et je ne transmettrai bien sûr à personne où vous vous trouvez. - Et pourquoi tu ferais tout ça pour moi mon gars ? Il est où le piège ? - Allons, vous voyez bien que je suis seul et sans mon équipage. Moi, marchand espagnole au sein d'un repaire pirate reconnu. Outre la tranquillité de mon commerce, j'attends de vous d'éliminer mes concurrents et ennemis. - A vous entendre, je devrais devenir corsaire espingouin ! - Surtout pas, vous n'auriez plus le droit de frapper de votre sabre les anglais et leurs protégés hollandais. Il y a beau y avoir une trêve, les hollandais resteront toujours des rebelles et les anglais leurs détestables protecteurs. Je veux les voir tomber sous vos coups. Et lorsque, très malheureusement, la famine vous poussera à attaquer un marchand espagnole, ne tuez ni l'équipage ni le capitaine. Faites les prisonniers, et je me ferai une joie de les ramener moi-même à leurs familles. Vous, vous prospèrerez et pourrez continuer à vivre pleinement votre vie ici, pendant que je serai un héros pour l'Espagne et son peuple. - Ta proposition commence à me plaire l'Esperanzo ! - Alors trinquons, et que les tonneaux de cette Tequila qui emplissent ma cale scellent notre accord ! >>
Les deux capitaines trinquèrent sous le regard approbateur de l'équipage du pirate. |
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