Ambassade d'Angleterre

"What the f...!"

"Sir, je vous en conjure, calmez vous...."

"Me calmer, vous en avez de bonnes vous! Mes informateurs sont formels, les Hollandais vont pouvoir offrir bien plus que nous....."

"Nous ne sommes pas hors course pour autant. Nous autres, nous avons l'honneur."

"Oui mais que vaut l'honneur face à des terres Warwick?!"

"Mais...."

"Taisez vous donc, je ne sais même plus pourquoi je vous ai fait mandé...."

"Pour le rapport de nos informateurs...."

Sir Chris Gascoigne haussa les épaules avec dédain....il buvait trop ces derniers temps, et oubliait parfois ce à quoi il pensait la minute d'avant. Un silence gênant s'installa entre son acolyte et lui, mais il n'écumait plus de rage, et finit par reprendre sur un ton froid:

"En rassemblant nos fonds sur Port Royale, je puis à peine disposer de la moitié de la somme offerte par nos adversaires, et de quelques hommes d'expérience mais surement pas du même calibre comme officiers. Quant aux terres, que nenni! La Couronne est formelle...."

"Et bien soit....nous ferons avec...."

Le HMS Drake rentrait au port sans trop de dommage....pour cette fois. Voilà bien longtemps que Sir Gascoigne n'avait point connu la peur, celle qui vous taraude, vous prend aux tripes.

Lorsque le grand chebec du capitaine Godefroy avait clairement été identifié, passant non loin des côtes, pour lui ce fut de la provocation pure et simple. Comment les pirates pouvaient ils naviguer si prêt des côtes?
Jamais on n'aurait vu ça sur le vieux continent!

Prévenant son allié ambassadeur de sa sortie imminente, l'anglais fit sonner le branle bas de combat, et le combat s'engagea à peine quelques minutes plus tard, prenant au dépourvu les forbans, qui visiblement ne s'y attendaient guère.

"Chargez la mitraille. Tuez ces salops, mais laissez en vivre quelques uns.....soyons beau joueurs et honorables, en guise d'avertissement avant le début des amnisties. Et prévenez Von Brugen pour ça aussi...."

Les bouches à feu crachèrent leur venin durant plusieurs minutes sur le pont adverse, probablement jonché de cadavres. Comme prévu, le capitaine ne donna pas l'ordre de lancer les grappins, pas plus que d'aborder sa victime.
Son allié ambassadeur en remit une couche, mais le billet reçu par Sir Gascoigne lui confirma toute sa frustration. Si leurs places avaient été échangées, Godefroy ramerait actuellement en pleine houle avec ses officiers.

Retournant dans sa cabine, le lord se fit un plaisir d'écrire une missive qui disait ceci:

Bonsoir canaille des mers,

je gage que ces quelques bordées vous auront fait réfléchir sur la puissance des militaires.

J'ai ouïe dire que vous aviez attaqué un de mes confrères ambassadeurs sans sommation.....il était de mon devoir de répliquer, d'autant que vous n'avez rien à faire aussi prêt des côtes de Saba.

Bientôt va commencer la période des amnisties, qui vous permettra de vous repentir en ralliant la couronne de votre choix.

Je suis beau joueur et vous laisse vivre aujourd'hui...considérez donc ces bordées comme de simples avertissements.

La prochaine fois, vous ramerez...


La réponse du pirate ne se fit point attendre:

Chers Môssieuuuu!

Votre bonté vous perdra!

En guise de remerciements, car je ne suis pas un zouave, Prenez donc ces quelques babioles d'or massif et de taffetas récupérées chez vos défunts compatriotes!

Mouhahahahahaha!!!

Froissant la lettre dans son poing, l'anglais écuma un instant de rage, mais retrouva rapidement son flegme légendaire, et une fois n'est pas coutume, sa bouteille, lorsque son second vint lui annoncer la nouvelle:

"Deux voiles noires par barbord arrière capitaine, ils gagnent sur nous."

Sir Chris Gascoigne,

Je me ferai un plaisir de vous renseigner sur les effets du chat à neuf queues.
Au plaisir ....

Drosera

"Ha c'est comme ça! Elle va voir de quel bois je me chauffe la bougresse hahahahaha!"

Depuis quelques jours, les autorités avaient lancé une vaste campagne de recrutement d'espion chez les pirates.
Rond comme une queue de pelle, comme souvent ces derniers temps, Sir Gascoigne s'était réjouit un instant en recevant ce billet qui avait fait le tour parait il du petit monde de la piraterie.
Une donzelle qui se trahissait toute seule....hilarant!

Mais le contenu lui avait chauffé le sang, lui rappelant quelque plaisir sadique de ses sorties dans bas fonds Londoniens.
Alors qu'il cherchait l'inspiration, un second pli lui parvint:

Ahhh les courriers du coeur.

Sir Gascoigne, vous êtes certain de ne pas avoir raté votre vocation ?

On peut monter une entreprise matrimoniale pour la reproduction des borgnes à barbe !

Des rumeurs courent sur leurs mœurs très légères, qu'ils forniqueraient avec le bouc et tout et tout...

Si dame Drosera n'a pas d'autres chats à fouetter je lui donnerais bien le baton, mais c'est une sœur pirate alors ça va encore jaser !

Jean-Firmin Baton

Comment pouvait on gaspiller du papier pour écrire pareil torchon? Voilà qui méritait réponse plutôt deux fois qu'une. Aussi, l'ambassadeur imbibé ne se fit point attendre:

Merci capitaine Drosera,

quand j'ai compris que vous aviez diffusé cette missive à tous les pirates, j'ai pouffé de rire en pensant que vous vous étiez trahie sans le vouloir.

Mais le contenu de votre missive me laisse rêveur. Voyez vous je suis un gallois pur souche, élevé dans la discipline et la stricte éducation anglaise. Donc pour un peu vous me tenteriez presque!

Mais je gage que la bonne fessée sera pour votre auguste derrière, et celui de vos compagnons borgnes. Les filles...c'est quand vous voulez, où vous voulez.

PS: Monsieur Bâton, je ne saurais répondre à vôtre question. Permettez...je donne ma langue aux chattes.

Lubriquement vôtre

Sir Chris Gascoigne

Sur le pont du grand chebec, le cpt Drosera cassa la patte du pigeon afin de récupérer la missive de sir Chris Gascoigne  et laissa choir sur le pont l'oiseau piaillant de douleur.
Le capitaine en second agacé par les battements d'ailes de l'animal, écrasa sa tête d'un coup de botte.

Elle écrivit sa réponse tout en s’écriant :
« Décidément  cet angloy  est fort drôle, non seulement il n'est pas grand clerc mais à la seule vue du mot queue le voilà qui bouillonne comme un jouvenceau »

Point d'erreur de ma part sire Gascoigne,
je partagerai evidemment avec tous les pirates le doux spectacle de votre dos sanguinolant sous les coups de mon fouet.
j'ai hâte ...

Capitaine Drosera

Un grand changement eu lieu au sein de la Hermandad del Calamar, cette confrérie pirate pris une décision à l'unanimité, nous allions rentrer dans le rang! Les combats contre les Français avaient mis les diplomaties favorables à la Couronne Anglaise. Ces mangeurs de grenouilles qui ne cessent d'attaquer à 1 contre 10 et s'enfuient à la moindre occasion quand les forces navales sont équivalentes seraient la priorité, les anéantir!

      Un seul membre de cette confrérie, Javier Overa de Cordero, n'avait pas bénéficié, à l'issue de ces batailles, d'une diplomatie favorable à la Couronne. En effet, son passé militaire dans les rangs espagnols n'avait pas changé grand chose à sa diplomatie.
Il est seul membre à devoir se présenter devant son Excellence Sir Gascoigne.

      Connaissant le sort que les pirates subissent avec les différentes Couronnes, Javier débarqua discrètement laissant son équipage à quelques encablures du port. Il savait par ses compagnons, que sa tête n'était pas mise à pris. Un bon point, pensez vous? Seulement, un militaire espagnol catholique passé pirate voulant rejoindre la Royale, c'était pas gagné! Javier se préparait à s'aplatir devant l'exigence de ce Sir Gascoigne.
Après une bonne nuit de sommeil et un bon repas, rasé de près, habillait comme il se devait pour se présenter au palais, Javier quitta l'auberge.

Sirotant son thé sur la terrasse ensoleillée de son cottage colonial à Kingston, Sir Gascoigne avait peine à en croire ses vieux yeux bleus britanniques. Il nettoya ses lunettes, les replaça sur son nez, lu, relus et relus encore... Il passa la missive devant la lueur du jour pour y déceler un quelconque message écrit à l'encre sympathique... non, rien.

-Warwick ! Qu'est-ce que cela ?! J'ai peine à comprendre ce que mes vieilles mirettes lisent. Un espagnol ? Non, un pirate ! Qui s'en prend aux forces navales du roi de France ? Et il souhaite arborer les couleurs du roi Georges ?!

-Votre magnificence, c'est bien cela. Sa seigneurie a bien compris.

-Mais... c'est du pain béni ?!

-J'en ai bien peur sir !

-Ce n'est pas possible... comment pourrions nous faire confiance à une vermine pirate espagnole ?

-Avons nous le choix monseigneur ? Ses camarades "Kalamars" ont déjà tous obtenus des lettres de marque. Si nous refusions cette dernière canaille je crains que ça ne soit toute la bande qui s'en retourne à nouveau vers la piraterie ! Songez-y, cela fait toujours 7 plaies de moins à panser. Ils amènent dans nos rangs 6 frégates. Toutes capturées aux frères de la caraïbe.

-Oh my goodness ! Mais comment pourrait-on accorder nos faveur à pareille canaille ! Imaginez un peu si ce brigand latin se retrouvait un jour à ma table ? Ou pire encore, si il parvenait à obtenir des terres... il serait alors en capacité de demander la main de quelque héritière aristocrate !

-Nous vivons des temps troublés sir Gascoigne... la fièvre des colonies a gagné tout l'ancien continent... On dit qu'ici tout est possible...

-NO WAY !

-Ces vermines ont déjà fait leurs preuves. Ils ont même capturé un navire pirate en gage de leur bonne volonté !  

-Plait-il Warwick ?

-Hem... Sir, permettez que je vous demande de vous assoir. Ce que j'ai à vous annoncer risque de vous choquer davantage... Ils ont capturé Pat London...

-Peuh ! Vermine de bas étage. Il vendrait ses frères pirates pour un "laisser passer". Il a déjà renseigné nos "alliés" de hollande, il renseigne tout aussi bien les froggies que ces satanés conquistadores !

-Ils ont touché une prime anglaise sir...

L'ambassadeur anglais s'eclaffe :
-Une prime ? Sur Pat London ? Un tonnelet de rhum peut être ? Le remboursement des munitions ?

-Sir Gascoigne... j'ai bien peur que nos gouverneurs aient eu la main un peu plus généreuse... Ils ont touché une prime de 900 000 pièces pour la capture de la corvette de 6 de ce rat des mers !

Sir Gascoigne recrache sa tasse de thé et arrose la missive du capitaine Overa de Cordero.
-Cest une plaisanterie, n'est-il pas ?

-Ce n'en est pas une sir...

-C'est une catastrophe ! N'y a t'il donc plus aucun gentleman qui défende les couleurs du roi en ces eaux mal famées ?! Nous distribuons nos piastres et nous voyons nos intérêts dans les colonies défendues par toute une clique de gredins des bas fonds espagnols !

-Ces gredins sont les seuls capitaines à avoir abordé autant de navires français. En outre, ils amènent avec eux un stock non négligeable d'environ 1000 canons de calibre 6. Sir, acceptez donc leur offre. Ils s'attaquent aux froggies, ils désarment les pirates, et nous voyons des victoires anglaises apparaitre dans les dernières nouvelles des caraïbes.

Si Gascoigne soulève sa perruque, essuie son front, toussote...

-Et si nous donnions à ce "Cordero" l'occasion de prouver son allégeance à nos couleurs ? Donnons lui une mission... nous allons lui rédiger une lettre. Gardez cela secret pour le moment...

En quittant l'auberge, le tavernier lui avait remis une lettre cachetée. d'un papier de haute qualité, ses yeux noirs brillaient de milles feux et arborant un grand sourire à sa vue! Tout en lisant la missive gouvernementale, Javier marchait d'un pas décidé, ce qui y était écrit, l'arrangeait grandement! Son entrée en matière, il y avait bien réfléchi, sans trop de choix non plus, cette mission était parfaite!

 Présentant sa missive sans piper mot, d'un air froid et rigide, la sentinelle le laissa entrer en lui indiquant le bureau où il devait se présenter. Après quelques mètres, deux gardes l'accompagnèrent devant le Gouverneur, son Excellence SIr De Gascoigne.

   La porte s'ouvrit, le Gouverneur attendait d'un air inquisiteur, ce pirate espagnol.
Au moment où les 2 paires d'yeux se croisèrent, Javier avança de deux pas, devançant les gardes et se présenta devant Sir De Gascoigne dans la plus pure tradition militaire de la Couronne d'Espagne! Nullement surpris, le Gouverneur eut un léger mouvement du rictus droit! Appréciant la présentation, le hochement de tête de son Excellence, fit comprendre à Javier qu'il pouvait s'exprimer après cette magnifique révérence latine.

 "Mes Respects, Votre Excellence, mon nom est Javier Overa de Cordero, Capitaño d'un grand chèbec."
Prenant une grande respiration, il se mit à genoux pour continuer:
M'autorisez-vous à arborer le drapeau de la Royale Navy?
Combattre pour votre réputation et ainsi donc contribuer à la gloire du Roy Georges?
Et par conséquent vous enrichir tout en rayonnant sur la mer des Caraïbes?
Je dois exécuter une mission pour éprouver ma sincérité, Je comprends donc, que dans votre grande magnanimité et dans le cas où vous acceptiez ma repentance, vous me réintégrer au grade de Captain? Et ainsi armer une magnifique frégate de 18a?

Javier, toujours à genoux, baissa la tête et attendit la réponse.