Dans la ville haute était un établissement fort chique et bon genre qui c’était ouvert depuis peu pour les amoureux du bien mangé las des bouges infâmes servant « de la merde » dixit son propriétaire. Le Verger Gourmand, tel était son nom, accueillait dans une ambiance bon enfant la bonne société de la ville et les capitaines, parfois un peu guindé, de passage. L’on y servait des produits frais, cultiver pour la majorité dans la campagne environnante ou dans le potager attenant au restaurant. Un verger, d’où son nom, complétait le tableau idyllique qui en ceinturait la terrasse.
Deux drôles d’oiseaux occupaient les lieux ce jour. Le premier, un perroquet malicieux, saccageait les fruits presque mûrs de la pommeraie à grand coups de becs au grand désespoir du jardinier. Le deuxième était simplement attablé, ou plus exactement, était enfin attablés puisqu’il avait fait changer quatre fois de place son couvert, prétextant une meilleure vue. Pile en face de l’entrée, il jetait furtivement des coups d’œil, comme s’il attendait quelqu’un. Il saisissait le jambonneau pour lui faire un sort, faisant fi des convenances locales et effrayant par ces manières au passage quelques pimbêches du cru.
Soudain le cou de Coco se tordit laissant là son festin de pommes. Dans son œil noir se reflétait l’ombre de celui que son maître attendait... les affaires reprenaient enfin, s’en était fini des graines, au moins pour quelques temps pensât-il.