La soirée battait son plein aux volets rouges.La fine équipe,lassée d'écluser du rhum réclamait du brutal a grand renfort de claques sur le cul des soubrettes circulant entre les tables.On en était aux mignardises et il faut dire que l'ambiance était sérieusement montée dans le bouge.C'est qu'elle avait bien fait les choses la Lulu.les attractions se succédaient sur la scène et si la prestation de bil et boquet,les deux nains priapiques équilibristes fut moyennement appréciée,le numéro des deux siamoises contorsionnistes remporta un vif succès.Je vais profiter,ami lecteur,de cet intermède graveleux ou les deux annamites(qui n'étaient pas phalloîdes sur ce coup) se lèchent le timbre en défiant les lois de la pesanteur et de l'anatomie pour te faire le panégyrique de la Lulu.Donc,remets ton slip gondolier et reprends ta lecture a deux mains.
Lulu est née aux environs de 1645 à Jenvoie Lapurée,petit hameau du Jura.Cadette d'une famille modeste,des sans dents dirait on aujourd'hui,son avenir semblait tout tracé.Comme ses soeurs aînées,sa mère et sa grand mère avant elle,elle irait à Saint Claude,le bourg n'étant distant que de quelques lieues,pour y apprendre le seul métier que la région bien pauvre offrait:l'art de faire des pipes
A six ans donc,notre cosette locale parcourait la lande à la recherche de souches de bruyères.A dix ans,déjà,ébauchage et varlopage n'avaient plus de secret pour elle.Elle était si douée que le chanoine Lacrampe note dans ses mémoires qu'a 12ans à peine,il ne fallait à Lulu qu'une bonne quinzaine de minutes pour confectionner une splendide pipe..
Un tel talent ne pouvait longtemps passer inaperçu,et un notaire nantais de passage tomba raide amoureux de la Lulu.Une idylle se noua donc entre les deux adolescents de treize et soixante dix huit ans et les bans furent promptement publiés.Le mariage eut lieu en grandes pompes(on est a Saint Claude,suis bordel!)Lulu y gagna son surnom de Nantaise(hop,vu l'arbre en boule?).trois semaines plus tard,le notaire encravaté décédait brusquement et voici notre Lulu veuve à quatorze ans.Veuve,mais richement dotée,ce qui n'était pas du goût de la famille de l'empérruqué qui porta plainte.Notre cosette fût jetée aux fers sans ménagement,la pauvrette eut beau clamer son innocence et décrire avec ses mots d'enfants la pénible scène;Ben,m"sieu le juge,je lui faisait une petite gâterie sur la veine bleue à son étude comme tous les après midi,et vl'a t'y pas qu'd'un coup après avoir envoyé la semoule,il se raidit tout d'bout,gueule"vive le roy"et s"affale comme une merde,raide mort.
Le juge exigea une reconstitution et la pauvrette dut une fois de plus montrer l'étendue de son talent.Elle fut libérée le soir même,tant le juge,ses deux accesseurs,le greffier,et les six gendarmes participants à la reconstitution furent convaincus de son innocence .La légende était en marche et ,comme dit l'homme de lettres ;l'avaleur n"attend pas le nombre des années,mais pour Lulu,il était temps de changer de crèmerie et de monter à la capitale.Elle prit ses quartiers rue Saint Landry,dans l'ancien hôtel particulier de la baronne Jurine de Fontencomble,recruta ses premières pensionnaires,et,à peine agée de seize ans,devint la plus jeune tenancière du royaume.Son établissement,le palmier en zinc,devint l'endroit le plus couru de la capitale,et le carnet d'adresse de Lulu grossissait a vue d'oeuil,aussi vite que son bas de laine.La encore,une telle réussite devait faire moult jaloux et envieux,mais Lulu n'en avait cure.Elle arrosait le prévot comme il se doit,ses filles étaient une mine d'information pour le tout nouveau Lieutenant Général de la Police du grand Louis Dieudonné(et oui,je sais,ça en emmerdera certains,mais c'était bien le surnom du Roi Soleil),bref,tout glissait comme un pêt sur une toile cirée.
Ce fût sa liaison avec un de ses voisins de palier,Paul de Gondy,plus connu par les ramollos du bulbe son le pseudonyme de Cardinal de Retz,le coadjuteur(ça ne s'invente pas dans un tel récit non?)de l'Archeveque de Paris,son oncle,qui mit le feu aux poudres.Son amant soutenait le parlementaire Boussel et les frondeurs.Anne d'Autriche dût ceder,mais se vengea par la bande sur Lulu et son bobinard grand luxe.Tracasseries en tout genre et redressements d'impots s'abattirent sur la pauvre Lulu comme la vérole sur le bas clergé.Mais Lulu avait anticipé et ses relations avec le haut clergé(elle allait tout de même pas éponger du traine lattes qu'elle disait)allait la tirer d"affaire.Un beau matin de 1663,c'était un mardi pour les méticuleux,elle s'embarqua discrètement ,mais avec une bonne grosse cantine pleine d'or,pour la Cochinchine avec les prêtres de la société des missions étrangères au tonkin qui révaient d'évangeliser l'annamite....Deux mois plus tard,leur navire accostait à Saigon.En descendirent une dizaine de curés défroqués que Lulu avait déniaisé,l'autre moitié,mi tarlouze,mi possédée parti répendre la bonne parole pendant que Lulu s'installait du côté de Bien Hoa(hein,fallait y arriver la,t'es sur le cul glandu)Lulu appris le siamois et le mandarin très vite,elle parlait déjà huit langues,dont la langue fourrée à cette époque,c'est dire si elle était douée.Sa pagode"Les volets rouges"fut bientôt célèbre dans tout l'annam et pas un mandarin ne manqua de s'y faire polir le chinois...
Note,ami lecteur,que sur le coup je t'en mastique une fissure avec cet intermède Alaindecauèsque,je vais donc te laisser faire une pause le temps d'ouvrir un dictionnaire et un manuel d'histoire de France(évite le Fernand nathan stp)si tu es courageux,ou retourner voir les chtis a miami si tu te prénommes kevin.
A suivre...