Où deux forbans s’immiscent dans grosse et félonne bataille franco espagnole.

"Olandur" le chebec d’ Aria et "Aspic" la corvette de Bertrick naviguaient de conserve à portée de voix, cap au Sud.
Sur les deux bâtiments, le cri des vigies retentit.

- Voiles en vue ! Plusieurs voiles par bâbord avant !

Bertrick, tout comme Aria à bord de "Orlandur", grimpa dans les enfléchures du grand mât.
Au Sud-Est, il aperçu plusieurs navires, trois à ce qu’il semblait, coques encore noyées sous l’horizon.
Au porte-voix, les capitaines, échangèrent leurs avis. Les deux équipages n’en perdirent pas une miette.
Peut après, à tous, parvint le son d’une canonnade.
Sur l’Olandur comme sur l’Aspic, toute la toile que le vent autorisait fut établie et le cap modifié pour approcher. Les coques des inconnus apparurent.

- Les deux vaisseaux sont aux prises ! Aria.
- Je vois ! Le plus gros est de France, un cent seize canons ! L’autre, un espagnol ! Soixante où soixante quatorze pièces !
- Un soixante huit à mon avis et l’autre à l’écart est une frégate de huit où douze .... Espagnole elle aussi !
- Tu a raison. Et tous ont déjà été assez malmenés !

Ils approchaient. Les trois navires étaient maintenant tout proches, moins d’un mille. Des canots d’au moins deux autres navires se trouvaient à quelques encablures. Des français semblait-il. Le combat avait déjà fait rage !

Le Deux ponts espagnol avait croché ses grappins sur le vaisseau français. La frégate se tenait à un demi mille. Sur celle-ci, des rigoles de sang sortaient par les dalots. Les gabiers épissaient à tour de bras dans le gréement et rousturaient avec des barres de cabestan le mât de hune de misaine offensé . Sur son pont dévasté, l’équipage jetait de nombreux corps par dessus bord. Tous étaient tellement occupés à leurs tâches qu’ils ne virent pas les deux pirates en approche.
Aria et Bertrick avaient décidé d’attaquer la frégate isolée. La corvette manœuvra pour passer sur l’arrière. Le nom "El Toro" était peint sur le tableau arrière.

- Feu !

Les dix pièces bâbord de l’Aspic crachèrent presque simultanément. Sur le gaillard arrière espagnol, la volée fit des coupes sombres parmi les officiers. Bertrick vit que le capitaine, bien qu’il ait perdu son couvre-chef, était toujours debout.

- Hourra ! hurlèrent les canonniers.

- Silence partout ! Rechargez vos pièces. La partie ne fait que commencer et elle est loin d’être gagnée !

La corvette vira pour longer le flanc tribord de la frégate.

- Feu !

Surexcités par leur premier tir, les canonniers n’attendirent pas le sommet de la houle. Les gerbes de mitraille passèrent trop au dessus du pont, ne faisant que peu de victimes et de dégâts.

- Grand hunier à contre ! Feu dès que vous êtes prêt et visez le pied du grand mât !

Le hunier, bouline choquée en grand, prit le vent « à contre ». l’Aspic, perdit sa vitesse et se maintint à hauteur de la frégate. En cascade, les dix pièces de six livres tonnèrent. Cette fois, les coups portèrent semant la mort parmi les hommes massés sur le pont.

- Laisse porter! lança Bertrick au timonier.
- A border la bouline du hunier de misaine ! Joliment le monde !
- A tous ! Préparez vous à lancer les grappins, nous allons l’aborder !

L’Aspic vira quand l’homme de barre fit tourner la roue du gouvernail mais la frégate parvint à l’éviter malgré le désordre régnant à son bord. Bertrick lançait ses ordres à la chaîne pour faire une nouvelle tentative. En parfait état et plus maniable, la corvette réussit cette fois sa manœuvre.

- Lancez les grappins !

Les gabiers , malgré une mousquetade partie des hunes espagnoles, coururent sur les vergues et lièrent les gréements des deux navires. Du pont, des dizaines de grappins furent lancés vers le pont ennemi. Bertrick allait ordonner à son équipage de passer sur l’espagnol quand une bordée déchira l’air.
Le capitaine Aria, avait amené son chebec sur l’autre bord de la frégate. Coup sur coup, deux bordées de plein fouet fauchèrent les espagnols dans le dos. Un carnage !

- A l’abordage !

Les Aspics se ruèrent à bord de la frégate espagnole, qui, en se lançant depuis le gréement, qui, en passant par le beaupré de la corvette pris dans les enfléchure de la frégate. Certains même passèrent d’un bâtiment à l’autre en se faufilant par les sabords. .
Las ! malgré les bordées qui avaient fauchées le pont, les « Dons » nombreux et bien retranchés continrent l’assaut.

- En arrière ! En arrière le monde !

Sur "Orlandur"le capitaine Aria saisit immédiatement la situation. Dès qu’il vit que les Aspics étaient revenus sur la corvette il fit tirer une nouvelle bordée, de plein fouet !

- A l’abordage ! Hurla Bertrick. Ne les laissons pas se ressaisir ! En Avant ! Pas de quartier !

Cette foi là fut la bonne. Prit entre deux feux les « Dons » s’étaient débandés. La frégate "El Toro" était aux mains des Aspics.

Ne voulant pas risquer un équipage de prise qui laisserait peu d’hommes sur sa corvette - les assauts lui avaient coûté trente neuf homes - Bertrick prit la décision d’incendier la frégate qui, par ailleurs, n’avait pas de cargaison. Une heure de pillage fut donnée à ses forbans, lui-même s’emparant des cartes, armes et autres instruments de navigation et surtout de la cassette du capitaine espagnol.

Pendant ce temps, le capitaine Aria voyant que la frégate « El Toro » s’était rendue, avait lofé et mit le cap sur « Aragorn » le vaisseau de 68 espagnol.
Le capitaine de ce dernier, comprit les intentions du chebec pirate et, pour avoir liberté de manœuvre, coupa les grappins le liant au français.
Le pillage de la frégate terminé, et ayant réorganisé son monde, Bertrick dirigea « Aspic » sur « Aragorn » juste à la tombée de la nuit.

Au petit jour, « Olandur » s’approcha d « Aragorn » qui, mis à mal par les combats de la veille, n’avait pu s’éloigner. Par deux fois, le Don tenta, en vain, de s’écarter. « Aspic » approcha à son tour.
L’espagnol réussit enfin à prendre quelque distance.

- Tu viens de commettre une faute stratégique l’hidalgo pensa Bertrick. Tu aurais du envoyer quelques bordées sur Aria où sur moi. Avec un peu de chance, tu en désemparait un et n’aurais plus qu’un seul adversaire.

Le chebec et la corvette revinrent à portée du vaisseau espagnol.

- Feu !

L’Aspic ouvrit le bal. Deux bordées touchèrent de plein fouet mais l’espagnol parvint a éviter totalement la troisième. La suivant toucha à nouveau de plein fouet mais celle qui suivit ne fit que peu d’effet, les deux navires s’étant éloignés l’un de l’autre, en limite de portée.
Les espagnols ne pouvaient riposter. Tournant comme une guêpe autour d’un pot de confiture l’aspic ne se mettait jamais dans leur angle de tir. Elle pilonnait le vaisseau par l’avant où par l’arrière.
Le capitaine Aria avait durant ce temps là positionné son chebec, il ouvrit le feu à son tour. Pas moins de onze bordées dont une seul ne fit qu’effleurer l’Aragorn. Il est vrai que son équipage était depuis longtemps ensemble et avait donc meilleure cohésion et meilleur entraînement.
Le canonnage reprit. L’Aspic envoya deux nouvelles bordées, bien mieux cadrées qu’auparavant, l’ Orlandur en expédia cinq.
Une saute de vent brisa l’aire de la corvette de Bertrick et l’espagnol put enfin riposter. Trois lourdes bordées touchèrent "Aspic" qui fut stoppée net par les impacts. Pourtant, les dégâts furent bien moins importants que Bertrick ne craignait. Huit morts et le gréement comme la coque endommagés mais sans mettre la corvette hors d’état.
Les deux navires pirates tirèrent encore deux volées chacun puis Aria prit la décision de lancer ses grappins. Ce furent les espagnols qui se ruèrent sur son pont. Bertrick vit une mêlée furieuse sur le chebec. Heureusement, l’assaut fut repoussé.
Les espagnols se ressaisir et repartir au combat bien décidés à en finir. Rien n’y fit, ils furent rejetés une seconde fois.
Bertrick pensa qu’on en resterait là. A sa stupéfaction, les Olandurs passèrent sur le vaisseau espagnol en hurlant. Le combat fut d’une rare pugnacité mais ils furent eux aussi repoussés.

- Au bras de hune le monde ! joliment !

Les vergues pivotèrent et la corvette se plaça pour pouvoir faire tirer sa bordée tribord.

- Canonniers ! Parez à faire feu sur mon ordre ! Prenez votre temps pour pointer !

Bertrick s’apprêtait à donner l’ordre quand ….
Une violente mousquetade, une clameur ! Aria renvoyait ses hommes à l’abordage.

Pendant de longues minutes, les Aspics restèrent coït, très inquiet. Sur l’ Aragorn, des cris, des coups de feu, des cliquetis de sabres d’abordage et toujours la clameur des Olandurs.
Enfin ! Une formidable ovation. Tout l’équipage de la corvette, Bertrick y comprit, salua la descente du pavillon espagnol.

- Mène nous le long du bord du vaisseau ! Lança Bertrick à l’homme de barre. Je veux être le premier a congratuler le capitaine Aria pour cette victoire.

Dès que les coques de l’Aspic et de l’Aragorn touchèrent, Bertrick sauta à bord et se précipita sur Aria.

- Mon cher, bravo ! bravo vraiment pour cette victoire ! J’ai beaucoup crains à votre sujet. J’ai retenu mon souffle tout le temps de votre seconde tentative. Au point d’avoir établie une prouesse qui n’aurait pas manqué d’étonner les docteurs en médecine des grandes facultés européennes. L’affaire a été très chaude.
- Plus que vous n’imaginez ! Les hommes ont d’abord refusé de retourner à l’assaut. J’ai vraiment douté. Il y avait encore beaucoup, beaucoup de monde à son bord.
- La facture du boucher est lourde ?
- Je n’ai pas le détail exact mais … la moitié de l’équipage à peu près.
- Encore toutes mes félicitations ! Vous méritez votre surnom
« La bernicle » et la devise que je vous ai attribué « Croche et tient ».

Tout deux jetèrent un regard circulaire sur la mer. Hormis les canots espagnols, elle était libre. Le vaisseau de 116 canons nommé le « Nauntt III » avait prit la poudre d'escampette cap au sud.

« Filé à l’anglaise ». Un comble pour un français !

Cette idée fit rire aux éclats les deux capitaines quand Bertrick l’eut partager avec Aria.

A l'Anglaise oui

Autour d'une table ronde d'une sombre taverne d'un petit port perdu, le capitaine Aria chuchota:
"Mon ami, mon navire et mes hommes seront bientot près"

Le capitaine Bertrick, une lueur d'exitation dans les yeux acquiesça d'un signe de tête. Le départ était proche.

- Attend ! Je veux te faire goûter un breuvage. je le distribue à l'équipage avant un abordage.
les pirates anglais le nomme rumfustian*. Pour eux, c'est aussi démontrer qu'il sont plus fort que quiconque.

Bertrick héla le maître de céant.

- Holà tavernier ! apporte nous deux boujarons de rhum et deux autres de petite bière !

Le patron des lieux leur apporta rapidement la commande. "Ces deux là n'ont pas l'air de pouvoir être traités à la légère et leurs bourses semblent bien rebondies". pensa-t-il.

Bertrick devant l'air étonné de son ami Aria sortit d'une poche de sa vareuse un petit sac en cuir fermé par un lacet. Il l'ouvrit, en tira quelques pincées de tout petits grains noirs dont il saupoudra les boujarons de rhum.

- C'est de la poudre à canon ! Bois "cul sec"! dit-il d'un mouvement de menton vers le gobelet de rhum.
-Ensuite fait passer ça avec la petite bière.

Aria eut un sourire puis s'exécuta.

Bon Dieu ! C'est l'Enfer ! s'exclama -t-il la voix étranglée, presque éteinte, les yeux exorbités, larmoyants et injectés de sang.

* Authentique. Cette recette a été donné à Daniel Defoe par un pirate repenti qu'il interrogeait pour documenter son ouvrage "Histoire générale de la pyraterie".
dans le même genre, Surcouf distribuait du "Bishop", rhum très fortement pimenté !

- Haaaaaaaaa ! Rhaaaa…Kooof kof kof…
moults étouffements et râles d’agonie d'Aria
-Ca déboucherait un chio.. canon ca!!

Bertrick repondit:
-C’est pas une boisson de mauviettes ça ! C’est bien goùtu, hein ! Ça a du retour !

Aria et Bertrick vidèrent leurs boujarons payèrent leur écot en laissant quelques maravédis sur la table et quittèrent la taverne.
Ils se séparèrent après être convenus d’un rendez vous en mer en un lieu que tout deux connaissait parfaitement. En effet si Aria avait encore quelques hommes à recruter, l’Aspic pouvait appareiller immédiatement.

La corvette tirait des bords courts dans un passage reliant la mer océane à la mer des antilles. Cette situation entre deux îles permettait à Bertrick de se tenir à l’abri des vues des navires, qu’ils empruntent la route passant à l’ouest où celle passant à l’est des îles au vent.
Au second jour, le cri que tout l’équipage attendait avec impatience retentit de la hune de misaine :

- Voile en vue ! Voile par le bossoir tribord !

Le capitaine jaillit comme un diable de la grand-chambre, lunette d’approche – prise sur la frégate espagnole abordée il y a peu – en bandoulière. Il grimpa aux enfléchures du grand mât comme un jeune gabier, monta jusqu’aux barres de perroquet.
Il déplia la longue vue et observa un temps qui parut interminable aux hommes entassés sur le pont principal, tous tête levée vers leur capitaine et attendant des précisions.
Au dessus du cap, à l’est, les mâts de perroquets d’un navire dépassaient - Trois mâts, donc vaisseau où frégate. Trop haut pour une corvette – pensa t-il
Le navire inconnu doubla le cap et apparu. Au dessus de son couronnement, le mât de pavillon arborait l’emblème blanc fleurdelisé - Dix …Onze sabords il observa le français encore un bon moment.

- Ho ! En bas ! C’est une frégate française !

Il replia sa lunette d’approche, la remit en bandoulière, saisit un galhauban et se laissa glisser jusqu’au gaillard arrière où tout son état major l’attendait.

- C’est certainement une frégate de neuf. Le capitaine ne semble pas très expérimenté. Sa frégate pourrait être « bien dans ses lignes d’eau » mais elle « pique du nez ». Elle porte trop de toile par une si faible brise.
Assez fort pour être entendu des hommes d’équipage les plus proche - ils feraient circuler bien vite l’information à tout les autres - il ajouta :

- Thomas, faîtes dîner les hommes. Nous avons le temps, elle est encore à dix nautiques. Ensuite vous ferez battre le branles-bas. Il va bientôt faire nuit et je veux l’approcher pour lui expédier quelques bordées avant l’obscurité. Même si ils profitent de la nuit pour fuir, il ne peuvent aller bien loin et nous les rattraperons au matin.

Les hommes et Bertrick dînèrent donc mais en hâte. Le tambour battit la chamade, les feux de la cambuse furent noyés et tous rejoignirent leur poste de combat.
L’Aspic approcha la frégate qui ne s’attendait pas à l’attaque de ce navire plus petit qu’elle et alors que le crépuscule tombait.
La première bordée ne fit qu’effleurer le français. Les canonniers subirent la ire du capitaine qui menaça de leur réduire leurs prochaines parts de prise.
Est-ce cette menace ? Les trois bordées suivantes firent mouche. A la lueur de l’une d’elle, tirée dans le tableau de poupe de la frégate, Bertrick put lire son nom : La voleuse.
L’obscurité tomba vite et la bordée suivante ne fit que peu de dégât. Bertrick fit manœuvrer la corvette pour prendre de la distance.
Comme il l’avait subodoré, au petit jour le français était toujours en vue ainsi qu’un autre bâtiment encore assez éloigné, à voiles latines celui-là, certainement « Olandur » le chebec du capitaine Aria.
Bertrick fit distribuer « la double »
Après que les Aspics eurent ingurgité cette double ration de rumfustian le tambour battit la chamade et tous rejoignirent leur poste de combat.
La corvette vint à portée de la frégate française, prenant grand soin de ne pas entrer dans l’angle de tir de ses batteries. Le capitaine français ne parvenait pas à manœuvrer assez rapidement et son navire essuya quatre bordées de l’Aspic dont trois touchèrent car la première, tirée avec trop de hâte ne fit qu’effleurer et n’occasionna que peu de dégât.
Olandur déferla et borda ses immenses voiles latines et se rua sur la proie , sur son autre bord.
Cette fois encore, les canonniers d’Aria firent merveille. Cinq bordées touchèrent faisant un carnage parmi les français.

- Jansen, à vous le soin. Amenez nous sur lui. Lança Bertrick à son second.

Il dégaina son sabre et dévala les marches de l’escalier menant au pont supérieur pour y rejoindre ses hommes.

- Haut les cœurs compagnons !

Les coques s’entrechoquèrent dans un craquement, quelques espars se brisèrent de part et d’autres. Les grappins volèrent en direction de la frégate et dans une clameur formidable, Bertrick en tête, les Aspics passèrent à l’abordage.
Il y avait encore beaucoup de monde sur le français. La mêlée était d’une confusion indescriptible, à peine permettait-elle les mouvements du bras pour sabrer. Au point que Bertrick reçu un coup d’esponton au flanc gauche sans qu’il put voir qui avait tenté de l’embrocher. Heureusement, le français aussi était gêné par la presse et le coup avait été dévié. Petit à petit pourtant, les Aspics progressaient, prirent pied sur les gaillards. Après un quart d’heure, le pavillon blanc fleurdelisé fut amené. « La voleuse » était conquise.

Une heure plus tard, le capitaine était allongé sur son bas-flanc. Le chirurgien du bord, nommé Spire, soignait sa blessure. Il commentait ses faits et gestes à l’attention d’un aide qu’il instruisait. Avec de la charpie, il nettoyait la plaie et son pourtour.

- Je panse donc j’essuie » commenta t-il à son aide en posant un emplâtre sur la blessure et en posant un bandage.
Il était, chose assez rare dans la corporation, très soucieux d’hygiène dans la pratique de son art.
Bertrick qui avait des lettres et était d’humeur joyeuse après cette victoire ne put s’empêcher de lui dire :

- Ah docteur, votre teint est si basané que vous ressemblez à un maure. Votre remarque m’incite à vous appeler désormais Cheik Spire !
Ha ha ha ha !

En filant à l'Anglaise, j'ai du laisser sur place une petite quinzaine de canons de divers calibres.

Merci de bien vouloir les déposer au comptoir de Grenada

Dans les tavernes, les cabarets, le bruit avait couru qu’Erwan de Kerloch fixait un rendez vous aux capitaines qui le souhaitaient pour convenir d’une chasse-partie.
Bertrick avait d’abord hésité car l’Ondine, son navire, n’était qu’une barque longue avec bien peu d’hommes à bord. Il s’était finalement décidé et avait levé l’ancre pour se rendre sur l’îlot où devait être signée la chasse-partie.

Erwan avait bien fait les choses. Plusieurs structures légères en bois, recouvertes de grandes palmes -des carbets - avaient été érigés sur la plage comme abris. Non loin et d’accès aisés, une aiguade offrait de l’eau fraîche et claire à profusion. Des barbacoas étaient dressés pour griller chèvres et cochons et les tonnelets de rhum ne manquaient pas.
La baie avait été mise en défense. La frégate du capitaine Erwan était affourchée sur trois ancres afin de ne pas virer aux vents où aux marées et ses canons bâbord, sabords ouverts, menaçaient la passe. Un poste de vigie était en outre installé sur une hauteur environnante.

Quand l’Ondine entra dans la baie, Bertrick découvrit le formidable vaisseau du capitaine Poudre ainsi qu’une barque longue, celle du capitaine Camille Guerezenn. Dans la journée, le chebec du capitaine Aria embouqua à son tour la passe.
Erwan avait fixé à cinq le nombre de participant. La chasse-partie pouvait être rédigée.

Entre les libations, les discussions allèrent bon train. Un navire de commerce, plus grand que les barques longues de Bertrick et Camille, était nécessaire et après quelques tergiversations, Bertrick eut la charge de s’en occuper. Il fut aussi élu chef de la flottille. Les détails furent arrêtés pour ce qui concernaient le partage du butin, les primes octroyées pour chaque type de blessures etc.…

Trois jours plus tard, un à un, les navires mirent à la voile.
Bertrick retourna à Martinique. Il vendit sa barque longue et fit l’acquisition d’une flûte. Le temps de recruter les quatre vingt hommes qui lui manquait pour avoir un équipage de guerre et d’acheter les canons pour son armement, il leva l’ancre.

Martinique fut bientôt noyée sous l’horizon.
Golconde était sous voiles depuis cinq jours. La mer variait, de forte à agitée mais les vents d’E. où de N.E. autorisaient une navigation sous voilures aisées. Il avait cependant été obligé, au vu de la lenteur du vaisseau d’escorte, de choquer les écoutes des huniers, de ferler la grand-voile et d’amener la vergue de misaine à mi-mât. Malgré ces arrangements, il semait le capitaine Poudre.

Ces quelques jours de mer avaient permis à Bertrick d’apprécier le comportement de la flûte. Un bon navire ! Sec, ayant une dérive raisonnable pour un bâtiment de haut bord, aisé à manœuvrer, mais …. C’était un bâtiment marchand donc, lourd et lent.
Une flûte de sept cents tonneaux de jauge. Elle était percée pour recevoir un armement de vingt pièces de huit livres. Malheureusement, l’arsenal civil à Martinique ne disposait pas d’une telle quantité de canons de ce calibre. Au grand dam de Bertrick, il avait dû se résoudre à du six livres pour huit d’entre eux. Cela impliquait d’embarquer des boulets de ces deux calibres et un ordonnancement réfléchi pour qu’en cas de combat chaque pièce dispose des projectiles appropriés.
En dehors de la bonne marche du navire, Bertrick avait du temps pour apprécier la très vaste grand-chambre – ces flûtes, de conception hollandaise, étaient très larges – ainsi que la fort agréable galerie de poupe d’où il voyait en permanence le vaisseau de Poudre qui l’escortait.

Bertrick avait baptisé son navire en référence à Golconde, lieu dans le pays du Grand Moghol dans les Indes Orientales où les Sultans avaient amoncelé un trésor dépassant l’entendement humain. Il espérait que les flancs de sa flûte fussent bientôt comme ce lieu mythique.

Quant à la chasse-partie, elle avait pour raison d’être de s’emparer du trésor du conquistador Hernan Cortès que des moines Dominicains avaient mis à jour. Le souverain pontife était le destinataire d’un convoi transportant ce fabuleux trésor.

Erwan avait un informateur – sans doute membre d’équipage du transport où d’un bâtiment d’escorte – mais à l’évidence, il n’était pas le seul à bénéficier des confidences de ce Jonas.
Chaque matin, Bertrick montait dans les barres de perroquet avec sa lunette d’approche. Hors, depuis quatre jours, il pouvait apercevoir à quelques lieues sur tribord, une petite escadre Hollandaise. Petite, façon de parler car en l’absence de Erwan, Camille et Aria, les Hollandais avec un vaisseau, deux frégates et une flûte, peut-être même un chebec aperçu un jour par bâbord avant, avaient une force bien supérieure. Pour le chebec, Bertrick avait un doute car à deux reprises il avait aussi vu un chebec à pavillon fleurdelisé. Les premiers jours, il y avait même eut, encore plus loin derrière les Bataves, une autre escadre – des flibustiers Français semblait-il - mais leurs navires plus rapides étaient maintenant hors de vue. A moins qu’ils n’aient simplement modifié leur cap. Tout ces navires semblaient converger vers un même hypothétique rendez-vous.

Au matin du septième jour de navigation, Bertrick comme à l’accoutumé, se rendit sur le gaillard arrière. Du couronnement, il vit, coque presque noyée sous l’horizon, le vaisseau du capitaine Poudre.

- Monsieur Le Fort ! lança-t-il à son second. "Nous allons essayer une nouvelle combinaison de voilure pour que ce vaisseau puisse enfin suivre. Avec ce vent arrière mettez nous sous petit hunier arisé et misaine carguée. Grand-voile ferlée mais envoyez les bonnettes et à l’artimon, la brigantine à deux ris."

- Bien capitaine ! Il répéta la combinaison proposée.

- Je monte dans les barres de perroquet. Venez donc ensuite partager mon déjeuner.

- Avec plaisir capitaine !

Par les enfléchures du grand mât, Bertrick monta. Il s’installa, déploya la lunette et la colla à son œil. Il fit quelques réglage et balaya l’horizon.
- Ah ! Enfin !
A une vingtaine de milles (7 lieues) sur bâbord arrière, un chebec qu’il connaissait parfaitement ; Olandur. Le navire du capitaine Aria.
- T’en aura mis du temps mauvais bougre ! Grommela t-il …. mais en souriant.
Il rejoignit le gaillard arrière, un sourire éclairant toujours son visage buriné.

- Monsieur Le Fort ! Demain nous aurons un invité à bord pour déjeuner. Prévenez le maître coq, je veux faire honneur au capitaine Aria qui fait force de voile pour nous rejoindre, au risque de briser un espar. Comme si on pouvait en trouver de rechange ici , saperlipopette ! »

Le lendemain, le chebec était effectivement bord à bord. Sans avoir subit le moindre dégât dans le gréement.
Après un gobelet de rhum pour fêter les retrouvailles, les deux compères s’isolèrent dans la chambre de veille. Là, penchés sur une grande carte maintenue déroulée par les gobelets vides, ils firent le point de la situation.
Bertrick avait été élu « Amiral » !
Par défaut d’ailleurs, puisque les autres capitaines avaient décliné cette ...
« promotion ».
Il fit part de ses intentions et donna les ordres à son ami. Tout deux se rendirent ensuite dans la grande cabine de Golconde où les agapes commencèrent.

Aria retourna à son bord - l’esprit quelque peu embrumé - assez tard dans la nuit.
Avant le levé du jour, Bertrick rejoignit son poste d’observation dans les barres de perroquet du grand mât. Il vit naître l’effervescence sur le pont de Olandur à moins de cinquante brasses sur bâbord. Les voiles du chebec se déployèrent bientôt et Aria « laissa porter » sur l’escadre Hollandaise encore cachée par l’obscurité mais qu’ont savaient proche au Nord Ouest.
Avec l’aurore naissante, Bertrick parvint à suivre à la lunette le chebec de son ami. Il commença à distinguer, à deviner plutôt, les navires Bataves, petites taches claires sur la ligne d’horizon.
A peine le soleil fut-il entièrement visible à l’Est que Bertrick perçu le bruit de la canonnade au Nord Ouest. Il rongea son frein pendant la moitié du quart du matin, d’inquiétude un peu pour son ami Aria, d’envie aussi, car il eut préféré être là bas à combattre plutôt qu’à toujours devoir éviter le contact.
Le jour suivant, Olandur était à nouveau à un jet de biscuit de la flûte. Aria vint à bord faire son rapport, il avait canonné la flûte Batave de quelques bordées meurtrières avant de décrocher pour revenir vers le navire
« Amiral ».
Au loin, les Hollandais se regroupaient autour de leur bâtiment de charge. Bertrick fit voile cap au Sud pour se mettre à l’abri d’une contre attaque de leurs deux frégates. Il plaçait la flûte pour que le vaisseau du capitaine Poudre soit toujours entre lui et elles.
Le capitaine Aria avait carte blanche pour les harceler.
A bord de Golconde, la vie continuait, immuable et monotone. Les doubles tintements de la cloche du bord ponctuaient le défilement des quarts. L’état de la mer variait de « belle mer » (force 3) à « jolie brise » (force 6) , le vent tournait d’E. à S.E. parfois même à N. et ces variables nécessitaient quelques modifications dans le réglage des voiles mais c’était tout. !

Bertrick se rendit dans la chambre des cartes. Il étudia celle de la zone avec minutie.
Pas très éloignée au Sud, le long de la côte, se trouvait une crique fort bien indiquée. Son escorte s’étant éloignée, il jugea qu’il n’était pas à l’abri d’une contre attaque par l’une des frégates pendant que le chebec de son ami s’occuperait de l’autre. Il retourna sur le gaillard et donna ses ordres pour faire voile cap au Sud en direction de cette crique.

Golconde y parvint au crépuscule.
Sous hunier, avec un sondeur qui lançait depuis le beaupré, la flûte franchit lentement la passe et s’ancra à l’abri des vues depuis le large. Les voiles furent ferlées sur leurs vergues puis l’équipage prit son dîner. Le second désigna les hommes de veille pour la nuit.
Celle-ci tomba brutalement comme c’est habituel sous ces latitudes. Le capitaine Bertrick dîna seul dans la grande cabine arrière, but un armagnac puis, l’esprit tranquille s’allongea sur son bas-flanc. Ni gîte ni tangage dans cette crique. Il s’endormit profondément.

Au cœur de la nuit, un chebec entra dans la crique. Soit que les veilleurs de Golconde crurent qu’il s’agissait de Olandur le chebec du capitaine Aria, soit, ce qui était plus probable, qu’ils se soient assoupis, l’alerte ne fut pas donnée.
Le nouveau venu, découvrant la présence de la flûte, ne s’embarrassa pas de bordées d’ailleurs peu efficace de nuit, il aborda directement la flûte et son équipage se lança à l’abordage.
C’est le choc des coques qui réveilla Bertrick en sursaut. Il bondit sur le gaillard mais il était trop tard. Deux cents hommes déferlaient sur le pont en hurlant, les cent vingt Golcondes endormis réagirent tardivement et mollement d’abord. Bertrick, à grands coups de gueule parvint à organiser la défense et même à repousser les assaillants mais les pertes étaient terribles.
L’équipage du chebec avait reflué sur son navire mais il fut repris en main par ses chefs et une nouvelle vague d’assaut réinvestit le pont de la flûte. Cette fois, les hommes se battirent avec opiniâtreté mais en vain.

Bertrick découvrit que le chebec battait pavillon noir !
Un de ces capitaine qui usurpait ce pavillon puisqu’il faisait le jeu des nationaux en jouant les chasseurs de pirate.
Après avoir réussi à fuir avec huit survivants et à rejoindre un port, Bertrick parvint à apprendre que ce capitaine qui commandait le chebec Mégalodon se faisait appeler Francisco el Magnifico.

Qu’y a t-il de magnifique à trahir ses confrères ?

Plus de nouvelle de Bertrick, plus de nouvelle de Poudre, plus de nouvelle d'Erwan et le souvenir flou de l'offensive victorieuse des deux frégates hollandaises sur le lougre de Camille. Il l'avait vu à la lunette se battre jusqu'au dernier moment, puis avec une poignée d'hommes, reussir à ce frayer un chemin pour s'enfuir discretement à bord d'un canot de sauvetage, accroché à l'arriere du navire.

Aria ruminait, les pertes de ses amis le laissait perplexe. Tout etait allé si vite alors que la situation était en leur faveur. L'idée de devenir riche l'avait abandonné, la vengeance etait désormais sa seul motivation...

Aria de son poste d'observation, lunette dirigée vers des navires aux pavillons Hollandais dit à son contremaitre:
barre sud est, déployez les voiles, préparez les canons

Le Megalodon venait de reprendre la mer et filait toutes voiles au vent.

Francisco était soulagé :
Ils seraient bientôt hors de portée des canons de Rio de la Hacha.

ils y avaient fait escale à l'insu des autorités espagnoles.
Francisco profitant de l'occasion pour faire moderniser et radouber son navire.
L'equipage distribuant avec prodigalité son pécule, durement gagné au cours d'âpres combats, mais bien vite dépensé en rhum, jeux et filles de joie.

Il était grand temps de reprendre le large.
Francisco était connu par de nombreux notables des Ameriques espagnoles et craignait d'avoir été reconnu.
Les marins avaient besoin d'activité physique et de discipline. On n'etait certes pas à bord d'un navire militaire, mais Francisco attachait un certain orgueil à bien sélectionner et entrainer ses hommes. Embarquer à bord du Megalodon aux côtés du "Baron" était une réelle opportunité pour les pirates d'exercer leur sinistre profession avec art.

Après un petit somme, Francisco reprit la barre.
La mer était calme. Trop calme pour que cela dure. Un temps à faire sortir de riches navires marchands de leurs havres. Un temps à se remplir les poches de pièces de huit.
Et cela ne manqua pas.
- une voile en vue! Je dirais qu'il s'agit d'une flûte capitaine. Quelles sont les instructions ?
- agissons avec prudence : je vais m'éloigner, essayer d'être discret, et fondre sur cette proie. Réveille tranquillement l'équipage. Armez les canons et préparez vous surtout à l'abordage. Nous devrions pouvoir bénéficier de l'effet de surprise.

Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Si ce n'est qu'au moment de passer à l'offensive, la flûte avait disparu de l'océan.
-flûte! où peuvent-ils bien être ?! Un peu vexé de voir certains marins supposer ouvertement que la flûte n'avait existé qu'au travers des vapeurs de rhum, Francisco retrouva rapidement le sourire et fit mettre le cap sur une petite crique. Soit ils se cachent là, soit nous les y attendrons.

Et effectivement, en arrivant à destination, on pouvait apercevoir les fanaux de la flûte, vacillant dans l'obscurité, laissant deviner un équipage au repos.
Difficile de retenir l'élan du Megalodon, que Francisco s'efforça dès lors de manoeuvrer aussi discrétement que possible.

- capitaine, j'ai déjà entendu parler de ce pavillon. Je crois que c'est le navire du capitaine Bertrick.
- quoi ? Cet vieille baderne, dont on raconte qu'il a, à son bord, des alcools plus délicieux encore que les miens ? Mais de quel droit vient-il chasser sur mes mers, cet importun ? Préparez vous à l'abordage.

Deux assauts furent nécessaires pour venir à bout de la défense. Lors de la seconde offensive, Francisco aperçut fugacement l'image unique d'un Bertrick en bonnet de nuit, un sabre d'abordage dans une main, une grenade dans l'autre, toujours aussi effrayant qu'à l'accoutumée avec sa barbe hirsute et peu être plus furieux encore. L'avait-on arraché cette nuit là des bras d'une femme où de sa bouteille ? Des deux peut être ? Nul ne le sut. Toujours est-il que des hommes de son propre équipage durent se saisir de lui pour l'arracher à son pont et le forcer à s'échapper à bord d'un canot de sauvetage.

Mais qu'est-ce que c'est que tous ces bateaux qui croisent sur mon territoire de chasse ?!!
Après avoir longuement navigué sur des eaux vides de toute présence, on ne pouvait plus sortir du port sans être entouré de navires.
C'était visiblement la saison des hollandais cette fois-ci.

La nuit permit au Megalodon de se glisser au milieu de l'escadre batave sans se faire remarquer et d'arriver ainsi aux côtés d'une barque longue.
Le navire fut rapidement identifié comme celui de la capitaine Drosera.
- hmmm une femme à la tête d'un navire, cela me fait froid dans le dos cap'tain!
- yep... Je ne sais pas si nous devons tenter l'abordage. Erwan de Kerloch est très... jaloux. C'est ma foi d'autant plus tentant! Fais distribuer les sabres d'abordage !

Encore une fois l'effet de surprise fut décisif dans un contexte où le surnombre était encore plus évident que contre Bertie. Drosera vint à bout de trois pirates avant de sauter, en pleine course, dans la chaloupe préparée pour son repli.
Francisco organisa le repli du Megalodon.

Tout se passa en un éclair, sa barque longue et les quelques membres d’équipage, qui lui restaient d’une précédente attaque, tombèrent sous l’assaut de l'unique pirate dont la simple évocation du nom ferait défaillir d'extase la plus fervente des nonnes.

Accompagnée du seul mousse, elle ramait en direction du port le plus proche. Elle voyait son navire disparaitre sous les flammes.
Elle ruminait sa colère mais essaya de la contenir du mieux qu’elle pouvait. Elle devait garder la tête froide, sa mission était loin d’être finie. Elle se persuada que ce n’était qu’un léger contretemps, qu’elle pourrait y faire face, elle n’avait pas d’autre choix …

D’un coup elle perdit sa contenance, elle se leva, manqua de faire chavirer la frêle embarcation et hurla jusqu'à en faire saillir sa jugulaire :

SARDINIIIIIERS !!

En s'asseyant, elle se dit qu’il fallait qu’elle pense à quelque chose d’agréable pour se détendre :

La vision de son fouet s'abattant avec fracas sur le séant d’ Erwan de Kerloch fut salvateur ….

La grande chaloupe de « Golconde » était aux atterrages de la côte Sud de Saint Domingue.

- Encore un effort compagnons ! Nous serons arrivés avant ce soir. L’île à vache est à trois où quatre lieues au Nord Ouest. Je connais bien cette côte pour l’avoir longuement étudiée sur la carte.

L’embarcation du capitaine Bertrick et des huit survivants de la flûte « Golconde » - sur les cent vingt qui en avaient constitué l’équipage – entra effectivement peu avant la fin du jour dans le petit repaire pirate qu’était l’île à vache.

Bertrick n’était vêtu que d’un caleçon – encore l’avait-il pris sur le cadavre d’un matelot de la chaloupe, mort de ses blessures – Il avait bien failli arriver là nu car la chemise de nuit qu’il portait au moment de l’abordage avait été découpé pour confectionner une voile. Envergué sur un tronçon d’aviron et hissé sur un autre servant de mât, elle avait été bien vite emporté avec son mât de fortune.

Il allait décidément se tailler une réputation dans toutes les Caraïbes de capitaine pirate toujours vêtu seulement d’un tricorne, d’un baudrier où pendait son sabre ainsi que de bottes .... mais rien d’autre !

Après une nuit de beuverie – pour fêter d’être simplement vivant – tous, capitaine compris, dormirent où cuvèrent – c’est selon - sur la plage.