[Anim Noël 5]Force et Honneur

Eclairé au candélabre depuis des heures, penché sur de nouveaux parchemins, Aengus épluchait ce soir là les derniers registres poussiéreux des Français avant leur éviction de la ville par les Espagnols.
Des tas et des tas de pousque recouvraient la paperasse administrative. Fort heureusement, le vieil homme au teint buriné par le sel n'y était pas allergique...quant à toute cette bureaucratie, ça c'était autre chose....

"Bien des foutus froggy ça..."

L'irlandais finit par mettre la main sur les archives des Maréchaux. Force, gloire, honneur, sagesse...FGHS....tel était le slogan de ces hommes qui avaient été qualifiés en leur temps de pire engeance que les Caraibes aient jamais connu.

Pendant des années, ces militaires du Lys avaient conquis la quasi totalité des indes orientales au service de leur couronne, écrasant tout sur leur passage. Nul ne leur résistait, et certains de leurs exploits étaient entrés dans la légende, comme la prise de la Havanne, la destruction de l'Invincible Armada, la Mère des Batailles, ou encore la fameuse bataille de Cienfuegos...

Mais si ces hommes étaient connus pour leur discipline de fer, leur logistique sans faille, ou leurs redoutables plans de bataille, ils étaient également de bien piètres diplomates.
Une telle suprématie les avait rendus arrogants et agressifs, et leur avait valu bien vite le statut d'ennemi public numéro un, attisant souvent la haine et la jalousie de leurs adversaires. Une image qu'il avait été très difficile d'effacer ensuite....

Atone de Tourville, Keymar, Pierrefonds, Blyhtion, Cugel Atine, Eléan....tant d'illustres capitaines qui avaient finit par suivre leur chemin chacun de leur côté....
Deux hommes en revanche avaient maintenu aussi longtemps que possible cette confrérie, Dragan Doria, l'Amiral..... surnommé "le Renard", et devenu par la suite un grand pirate. Mais aussi Jean Dufremont.....

C'était justement une de ses missives à l'Amiral que lisait Aengus. Comme d'habitude, une vraie perle pétrie de gouaille, mais cette fois ci...le vieil homme pensait tenir quelque chose de particulièrement intéressant....

Poussant la porte de la vieille gargotte, Aengus s'essuya les pieds bruyamment en détaillant l'assistance. Deux piliers de bars accoudés au comptoir, un autre vautré dans un coin qui dormait sur sa table.....et une grosse madame qui l'interpella:

"Restez pas planté là, y fait un vent de tous les diables là dehors."

Le vieil irlandais s'ébroua tel un cabot détrempé, enleva son tricorne, et vint s'accouder à son tour.

"Aengus O'Hara, enchanté."

"Qu'est ce que j'vous sers?"

"Rhum...quelle question..."

"Chai pas, avec vot' tête de rouquin là....."

"Grmbl..."

Se retenant de lui rétorquer quelque chose de point trop catholique, Aengus préféra entrer dans le vif du sujet.

"Dites voir, ici c'était pas tenu avant par une certain Helen Mac Allister?"

"Si, c'était ma vieille mère...."

Intriguée, la grisonnante taulière s'arrêta d'essuyer ses verres.

"Qu'est ce que vous m'voulez, ça fait longtemps qu'elle est morte, Dieu ait son âme."

"Ben...c'est que...."

Avec les deux ladres qui écoutaient, Aengus hésita, mais finit par lâcher:

"J'suis à la recherche d'informations. Les Maréchaux, Dragan Doria, Jean Dufremont, ça vous dit quelque chose?"

"Jamais entendu parlé....sur ce dehors on ferme..."

"Attendez!"

Hésitant une nouvelle fois, l'irlandais posa une bourse sur la table.

"Dehors vous aut'....toi, d'accord on va causer..."

Quelques minutes plus tard, après quelques explications de notre héros, la vieille se mit enfin à table:

"Ma mère en parlait souvent. Vous savez ici à Nassau, ces grands mossieus, on en a vu passer des tas. "Y m'font pas peur qu'elle me disait, des capitaines comme ça j'en chie un tous les matins hahaha...'fin bon, un beau jour, des emperruqués ont débarqué ici mousquet chargé. Y voulaient tout savoir, à cause de c'te missive dont vous parlez.
Z'ont emmené ma mère, qu'a rien voulu cracher au bassinet. L'est revenue dans un sale état. A mon avis, tout le régiment y était passé dessus...hey faut dire c'qui est hein. L'as mis des années à en parler...un beau jour que ça allait pas, elle m'a causé d'ça.....J's'rais née d'un de ces damnés soudards."

L'irlandais écarquilla les yeux.

"Et ben alors ça te la coupe l'irlandais? Tu veux pas savoir la fin?"

"Si si..."

"Donc elle leur a lâché le morceau pardi, et y ont mis les voiles, pour ton fameux trésor.....si je me souviens bien le Marechal l'aurait planqué sur la côte est de la Floride. J'en sais pas plus...."

"Pffff...peine perdue, c'est grand tout ça, et ces bonhommes auront mis la main dessus."

"Ha ça non! Quand la soldatesque a débarqué, une tribu de Seminoles leur a fait la peau. Quand on a appris la nouvelle, Maman a ouvert une bouteille de tord boyaux pour une tournée générale histoire de fêter ça. L'était tellement pétée qu'y parait qu'elle voulait y aller juste pour pisser sur leurs tombes."

"Ca reste compliqué...."

"Si t'y tiens tant que ça à ta chimère sonnante et trébuchante, pourquoi que tu vas pas faire un tour à Saint Augustine. Là bas chuis sure que les vieux sauront te donner l'emplacement..."

"Pas bête, merci..."

Déjà plusieurs jours que le vieil irlandais errait comme une âme en peine dans les bas fonds de Saint Augustine. Fondée par les espagnols, la ville menaçait de devenir anglaise, rejoignant l'ensemble des 13 colonies.
Mais notre héros n'en avait cure. Suivant les conseils de la vieille de Nassau, il avait espéré trouver des anciens pour lui en dire plus sur l'éventuel lieu du désastre, ou des tribus indiennes....mais pour l'instant, il faisait chou blanc.

Raclant le fond de ses poches, la poussière piqua les yeux de notre homme. Tout juste de quoi se payer un galopin. Entrant dans un nouveau bouge, il alla prospecter comme à son habitude. Un homme à peau basanée, sans doute avec du sang indien, attira son attention.....

"Bonjour mon brave...puis je m'assoir en votre compagnie?"

L'homme ne lui répondit pas, mais releva la tête et le fixa sans ciller. Sans attendre son approbation, Aengus s'assit face à lui, et poursuivit:

"Je suis sur la piste d'une escarmouche qui date d'il y a longtemps, sur une plage, loin au sud d'ici.....il paraitrait que les Séminoles y ont massacré des blancs..."

"...des blancs venus pour l'argent. Toujours l'argent. Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson, alors peut être ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas."

"Alors vous savez?"

L'oeil pétillant, le vieil homme ne tenait pas plus en place qu'un mioche de quatre ans qui doit rester immobile.

"Oui je sais, je suis de cette région."

"Vous pouvez me montrer sur la carte?"

Dépliant un vieux rouleau sur la table, l'indien pointa du doigt sans hésitation le lieu.

"Ce serait donc ici, en 28 N , 80.30 W?"

"Oui, il n'y a pas beaucoup de grandes étendues de sable par là....mais tu dois savoir une chose étranger. Le trésor appartient désormais à ma tribu. Nous sommes peu nombreux, dispersés, apporte à ceux qui sont restés de la nourriture, de l'eau de feu, des mousquets et des peaux, et ils te cèderont tout cet or....tu les trouvera dans les dunes en bord de mer...ou plutôt, ils te trouveront avant."

"Mais je n'ai pas tout ça! Regardez moi, j'ai l'air d'un rupin? Est ce qu'...."

Une douleur fulgurante foudroya le dos du vieil homme....incapable de se retourner, essayant de bégayer un instant, il s'effondra sur la table devant lui, maculant la carte de son propre sang. Un coup de feu assourdissant retentit dans la taverne, tiré à bout portant sur le semi peau rouge. Dans la salle, plus un chat, tout le monde s'était mis à l'abri.

Deux voix d'hommes encapuchonnés prononcèrent alors en s'emparant de la carte:

"T'avais pas besoin de le planter comme ça, suffisait de continuer à le suivre...."

"On s'en fout, c'est bon on a les coordonnées, tout ce qu'il faut pour ravir le trésor à ces enfoirés de peaux rouges. T'as entendu, sont juste une poignée, ce sera qu'une formalité."

HRP: Top départ, vous pouvez aller creuser!